
Le repère visuel participe à la normalisation des comportements, conduites, jugements, attitudes, opinions, croyances, et différencie ce qu’il convient de faire par rapport à la norme dominante.
(© Denis Harvey. Date : 4 septembre 2017. Lieu : Baie-Comeau (Côte-Nord), Québec. Matériel : Nikon D7100. Ouverture : f/22. Vitesse : 1/60. ISO : 100. Distance Focale : 90 mm.)
Définition
- 1. Le repère visuel possède quatre propriétés distinctives : la visibilité (physique, historique, morphologique), la pertinence pour l’action (gare routière, carrefour, centre commercial, etc.), la distinctivité (impossible de le confondre avec un autre), la disponibilité (stabilité relativement pérenne dans son environnement).
- 2. Le repère visuel possède quatre fonctions précises : signaler en vue de l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions ; localiser d’autres repères visuels qui doivent déclencher une action (le repère visuel est élément de réseau) ; confirmer qu’un individu est au bon endroit (positionnement précis sur un territoire) ; combler certaines attentes (art, commerce, divertissement, finance, spiritualité, etc.).
- 3. Le repère visuel s’inscrit à l’intérieur de deux dimensions précises : le fonctionnel, c’est-à-dire comment les réseaux travaillent le territoire et réciproquement et comment le territoire sollicite un ou des réseaux, voire hypothétiques ; le cognitif, c’est-à-dire les ancrages (repères) dans la ville, les systèmes de repérage pour le déplacement (parcours), schémas mentaux pour le parcours à pied, en voiture, etc., et qui constituent effectivement des réseaux d’appropriation locale ou globale de l’espace (territoire).
- 4. Le repère visuel participe à la normalisation des comportements, conduites, jugements, attitudes, opinions, croyances, et différencie ce qu’il convient de faire par rapport à la norme dominante.


Le morphologique d’un repère visuel signale aussi son lien avec la favorisation ou la défavorisation, entre quartiers centraux ou quartiers embourgeoisés, etc. ; le morphologique distingue. (© Pierre Fraser (PhD), 2015)
Les 4 propriétés d’un repère visuel
- visibilité : caractéristiques morphologiques ;
- distinctivité : il ne peut le confondre avec un autre ;
- pertinence : ce à quoi il sert ;
- disponibilité : stabilité dans l’environnement.
Presque tout, dans notre environnement, est repère visuel. Qu’il s’agisse des objets utilitaires du quotidien, des vêtements, du mobilier urbain, de l’architecture — lieux d’habitation, de culture, de culte, de commerce, de festivités, de production industrielle, de restauration, de santé, de scolarisation, de tourisme —, en passant par les moyens de déplacement et la signalisation qui les accompagnent, jusqu’à la représentation symbolique des missions régaliennes de l’État, tout est visuel.
De l’extérieur, on différencie l’hôpital du palais de justice par sa configuration architecturale. De l’intérieur, le décorum de l’hôpital se différencie totalement de celui du palais de justice : le personnel médical est vêtu de façon à signaler la prestation de soins — sarrau blanc, stéthoscope, masque de procédure — alors que le personnel judiciaire est vêtu de façon à signaler la prestation de prescriptions légales — policiers en uniforme et armés, agents de sécurité en uniforme, avocats et juges portant la toge. Il est impossible de confondre un hôpital avec un palais de justice, tout comme il est impossible de confondre un restaurant avec une quincaillerie. Cette impossibilité de confusion des genres visuels est liée au fait que chaque lieu possède ses propres repères visuels qui sont eux-mêmes liés à des codes visuels spécifiques.
Ces codes visuels sont enchâssés dans la fonction à laquelle ils sont dédié — le morphologique. Par exemple, le cardiomètre ne peut être confondu avec le marteau du juge, ni le pain acheté à l’épicerie avec le flacon d’aspirine — la distinctivité. Alors que la seringue a pour fonction d’injecter un quelconque liquide dans le corps dans le but de délivrer un traitement, la borne de recharge sert à recharger un véhicule électrique — la pertinence. Dans un hôpital on retrouvera tout le matériel médical nécessaire pour dispenser des soins de santé, alors que dans une église on retrouvera tous les objets servant à la dispensation du culte — la disponibilité. En somme, la visibilité d’un repère visuel tient par sa morphologie, sa distinctivité, sa pertinence et sa disponibilité. En ce sens, photographier un milieu de vie, c’est avant tout être en mesure de reconnaître les repères visuels qui le constituent.
En fait, l’environnement urbain et rural est constitué de repères visuels qui tracent des parcours à la fois géographiques et sociaux. Ces parcours s’inscrivent par la suite dans des territoires, eux aussi, à la fois géographiquement et socialement délimités. Par exemple, chaque quartier, qu’il soit favorisé ou défavorisé, possède certains repères visuels qui lui sont propres. Ce qui vaut dans un quartier ne vaut pas nécessairement dans l’autre ; on ne retrouvera pas dans un quartier cossu des murs ou des infrastructures graffités, alors qu’on en retrouvera plusieurs dans les quartiers centraux.

Dans un marché public, le commerçant peut jouer d’ingéniosité pour attirer le client par la présentation de son étal. (Photo Pierre Fraser, 2018)

À la banque alimentaire, les produits sont disposés pêle-mêle sur des tables alignées les unes à la suite des autres — signaler autrement. (Photo Pierre Fraser, 2018)
© Denis Harvey (2017)
© Georges Vignaux (PhD) et Pierre Fraser (PhD), 2016 / texte
© Photos d’articles : Pierre Fraser (2018)
© Vidéo : Pierre Fraser (2021)
Les 4 fonctions d’un repère visuel
- signaler en vue de l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions ;
- localiser d’autres repères qui doivent déclencher une action (le repère est élément de réseau) ;
- confirmer qu’un individu est au bon endroit et/ou qu’il adopte les comportements appropriés ;
- combler certaines attentes.
Chaque repère visuel signale l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions. Par exemple, fréquenter un supermarché ou un marché public versus une banque alimentaire sont deux expériences fort différentes même si la finalité relève de la même logique : s’alimenter. Aux fins de ma démonstration je mettrai en opposition un marché public (marché du Vieux-Port de Québec) et une banque alimentaire (La Bouchée Généreuse, quartier Limoilou, Québec).
La disposition d’un marché public doit répondre à une seule contrainte : rendre accessibles le plus facilement possible les produits à vendre — signaler, localiser, confirmer. Chaque commerçant dispose dès lors d’un espace qu’il loue, qui lui est attribué et qu’il peut aménager à sa guise, tout en respectant les règles édictées par le propriétaire des lieux. Certains commerçants, un peu plus fortunés, louent des espaces qu’ils configurent un peu comme une boutique, avec une porte d’entrée, d’où parfois l’impression d’être confronté à une consommation structurée et organisé, alors que le client cherche avant tout une « expérience » d’authenticité et de contact direct avec le vendeur et/ou le producteur. La configuration de vente, quant à elle, est classique : un ou des présentoirs sur lesquels sont déposés et alignés les produits à vendre. Pour le reste, il en va de la créativité du commerçant pour mettre en valeur sa marchandise. Et cette créativité se décline de plusieurs façons.

La banque alimentaire, tout comme le marché public, est confrontée à une seule et même contrainte : rendre accessibles le plus facilement possible les produits offerts gratuitement — signaler, localiser, confirmer. Cependant, il y a une différence, et cette différence est majeure : alors que le commerçant du marché public joue d’ingéniosité dans la mise en valeur de ses produits pour attirer le consommateur, la banque alimentaire n’a pas à se préoccuper de cette portion de la transaction commerciale : les produits sont disposés pêle-mêle sur des tables alignées les unes à la suite des autres — signaler autrement. Il s’agit de mettre en place un circuit de denrées et de produits, un peu comme à la cafétéria, où le bénéficiaire se sert à la carte à travers une offre souvent fort limitée de produits.