Le télétravail et ses repères visuels

Si l’ergonomie fait référence à la manière dont le bureau à domicile et le mobilier à installer sont conçus afin de garantir la santé physique et mentale des personnes, réduisant ainsi les risques et les blessures possibles, il va sans dire que la première étape pour obtenir un bureau à domicile ergonomique est vraisemblablement d’opter pour des meubles qui permettent une posture correcte, facilitant ainsi le repos du corps pendant les heures passées à travailler en position assise, tout en offrant une liberté de mouvement et des changements posturaux confortables et fluides qui favorisent le bien-être des personnes.

Adopter les comportements appropriés en matière de télétravail, d’où l’idée d’une bonne chaise ergonomique afin d’augmenter l’efficacité et la productivité. (© Photo : Actiu, Trim azul aluminio)

Avec l’introduction et la généralisation du télétravail, de nombreuses personnes passent leur journée de travail dans leur bureau à domicile. Mais « comment obtenir le bureau à domicile idéal, qui devient un espace de travail efficace et qui s’adapte aux dimensions et aux caractéristiques du logement ? Si l’ergonomie fait référence à la manière dont le bureau à domicile et le mobilier à installer sont conçus afin de garantir la santé physique et mentale des personnes, réduisant ainsi les risques et les blessures possibles, il va sans dire que la première étape pour obtenir un bureau à domicile ergonomique est vraisemblablement d’opter pour des meubles qui permettent une posture correcte, facilitant ainsi le repos du corps pendant les heures passées à travailler en position assise, tout en offrant une liberté de mouvement et des changements posturaux confortables et fluides qui favorisent le bien-être des personnes1. » On reconnaît donc là tous les lieux communs liés à la notion d’ergonomie et de télétravail. Du point de vue de la sociologie visuelle, on reconnaît également là les 4 fonctions d’un repère visuel, à savoir :

  • signaler en vue de l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions ; dans le cas présent, il est essentiel de prendre en considération le nombre d’heures par jour que nous passons assis sur notre chaise de bureau à domicile, donc de l’éventuelle nécessité d’investir dans une chaise ergonomique ;
  • localiser d’autres repères qui doivent déclencher une action (le repère est élément de réseau), c’est-à-dire, dans un contexte de télétravail, s’ajoutent les risques liés à une mauvaise posture : un dos voûté ou des points de pression localisés en position assise peuvent entraîner de graves problèmes de santé à moyen ou long terme ;
  • confirmer qu’un individu adopte les comportements appropriés, et c’est pourquoi il serait essentiel d’investir dans une bonne chaise de bureau ergonomique ;
  • combler certaines attentes, c’est-à-dire que, dans un tel cas de figure, la prise en compte de l’ergonomie dans le bureau à domicile n’apporte pas seulement des bénéfices pour la santé à moyen et long terme, car l’accent mis sur le confort et l’ergonomie de l’espace de travail à domicile améliore et prolonge le temps de concentration et réduit les interruptions et les distractions dues aux déplacements et aux repositionnements.

Autrement dit, l’ensemble des 4 fonctions des repères visuels liés à une chaise ergonomique doivent avant tout répondre à des objectifs d’efficacité et de productivité, les maîtres-mots d’un monde du travail en constante mutation. On dira donc, du point de vue de la sociologie visuelle, que les repères visuels de l’ergonomie dans un bureau visent non seulement à proposer d’améliorer la qualité de la vie professionnelle des personnes (en leur apportant confort et sécurité et en améliorant l’environnement de travail, tant dans les équipes de bureaux ouverts que dans le cadre du télétravail), mais visent aussi à faire en sorte que le travailleur, en voyant une chaise ergonomique, sache qu’il se trouvera dans un environnement idéal et bien équipé, avec tous les éléments pour profiter d’une journée de travail où la santé et le bien-être seront pris en charge ; conséquemment, l’efficacité et les performances augmenteront inévitablement. C’est bien ce à quoi prétendent les repères visuels d’une bonne chaise ergonomique.

Référence
1 Actiu (2022, 9 août), ¿Por qué es importante la ergonomía en la oficina en casa?.

Un monde du travail en mutation

Un monde du travail en mutation (documentaire)

Nouvelles logiques de marché, mondialisation accrue, changements technologiques, nouvelles pratiques managériales, transformations des attitudes de la main d’œuvre à l’égard du travail. PRODUCTION INTERVENANTS Un monde du travail en mutation Transformations de la main d’œuvre

Les transformations contemporaines du rapport au travail (colloque)

Les conditions économiques et culturelles qui façonnent les attitudes et les comportements au travail, de même que la place et le sens que revêt celui-ci chez les individus, se sont profondément transformées. PRODUCTION Un monde du travail en mutation Transformations de la main d’œuvre

Plateformes de partage, la dimension cachée du travail

Les plateformes s’affichent comme des intermédiaires neutres, mais elles dissimulent des structures hiérarchiques et des liens de subordination plus importants qu’on ne pourrait le croire. PRODUCTION INTERVENANT Un monde du travail en mutation Transformations de la main d’œuvre

Libéralisation des services

Le secteur des services n’échappe pas à la libéralisation, où l’évaluation du rendement s’infiltre de plus en plus. PRODUCTION INTERVENANTS Un monde du travail en mutation Transformations de la main d’œuvre

Libéralisation des marchés

Flexibilité, évaluation du rendement, performance, nouveaux types de relation au travail. PRODUCTION INTERVENANTS Un monde du travail en mutation Transformations de la main d’œuvre

Nouvelles pratiques managériales

De nouvelles pratiques managériales se sont implantées qui renvoient vers l’employé sa propre autonomisation. PRODUCTION INTERVENANTS Un monde du travail en mutation Transformations de la main d’œuvre

Quand la soupe devient une expérience d’achat

Les produits Leader Price vendus au Québec , à moins que le consommateur québécois ne le sache pas, sont des produits d’entrée de gamme en France. D’ailleurs, Leader Price se positionne comme « une enseigne où l’on peut concilier prix bas et plaisir » et c’est « le choix malin pour vivre bien ». Ce qui devrait particulièrement retenir notre attention, en tant que consommateur, c’est le discours proposé par cette société autour de ses propres produits.

comment Transformer un produit bas de gamme en produit haut de gamme

Les produits Leader Price vendus au Québec , à moins que le consommateur québécois ne le sache pas, sont des produits d’entrée de gamme en France. D’ailleurs, Leader Price se positionne comme « une enseigne où l’on peut concilier prix bas et plaisir » et c’est « le choix malin pour vivre bien ». Ce qui devrait particulièrement retenir notre attention, en tant que consommateur, c’est le discours proposé par cette société autour de ses propres produits. J’ai souligné en italique les éléments les plus importants à retenir :

  • Chez Leader Price, nous luttons chaque jour pour vous offrir des prix bas et des produits de qualité rigoureusement sélectionnés.
  • Chez Leader Price, nous proposons chaque jour des viandes, des fruits et des légumes de saison, en privilégiant l’origine France et à prix Leader Price.
  • Leader Price, c’est près de 600 magasins à taille humaine, partout en France, où l’on peut avoir des prix bas à côté de chez soi.
  • Chez Leader Price, offrir une expérience d’achat agréable, c’est une question de respect. C’est pour cela que nous travaillons à la rénovation de nos magasins et de nos emballages.
  • Chez Leader Price, les prix bas sont permanents et les produits sélectionnés, pour vous offrir un choix juste répondant aux besoins du quotidien, sans superflu.

D’une part, il y a cette idée que cette entreprise lutte pour le plus grand bien de ses consommateurs. Pour rappel, une entreprise est là pour faire des profits et non pour faire la charité. De plus, la lutte dont il est ici question est avant tout soumise aux conditions générales du marché des denrées alimentaires sur lequel Leader Price a peu d’emprise : elle ne fait qu’acheter en grandes quantités des produits offerts par des producteurs ou de grands distributeurs dont le prix est déjà fixé. Conséquemment, vendre à bas prix oblige à mentionner que même si le prix est bas, il est tout de même de qualité. Ce discours entre dans la même logique que celui des politiciens qui disent couper dans les services dédiés aux citoyens pour mieux les servir : faire plus avec moins. D’autre part, Leader Price joue sur cinq tableaux au niveau de l’affect : l’origine de la provenance des produits, jouer sur la fibre nationale ; des commerces à taille humaine, jouer sur l’entre soi ; des commerces tout près de chez soi, jouer sur le concept de commerce de proximité ; des produits répondant aux besoins du quotidien, jouer sur la consommation responsable ; offrir une expérience d’achat — Saint Graal des commerçants —, jouer sur l’immersion émotive.

© Pierre Fraser (PhD), texte et photos, 2020

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Le télétravail et ses repères visuels

Si l’ergonomie fait référence à la manière dont le bureau à domicile et le mobilier à installer sont conçus afin de garantir la santé physique et mentale des personnes, réduisant ainsi les risques et les blessures possibles, il va sans dire que la première étape…

L’huile d’olive comme produit de distinction sociale ?

L’huile d’olive, par seule mise en marché à travers son marketing, signale l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions. Si le statut social peut influencer l’alimentation de différentes façons, le niveau de revenu et l’accès aux ressources financières peuvent également affecter les choix alimentaires des individus.…

La faim a-t-elle un visage ?

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Franges visuelles

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Réseaux visuels

Les réseaux visuels constituent des réseaux sociaux. Définition 1. Un réseau visuel est constitué de repères visuels propres à certains réseaux sociaux (le social et le sociétal, l’intangible) permettant leur identification et leur localisation dans le but de déclencher une action ou une opportunité d’actions. 2. Un…

L’huile d’olive comme produit de distinction sociale ?

L’huile d’olive, par seule mise en marché à travers son marketing, signale l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions. Si le statut social peut influencer l’alimentation de différentes façons, le niveau de revenu et l’accès aux ressources financières peuvent également affecter les choix alimentaires des individus.

Photo : Ron Lach

L’huile d’olive a longtemps été considérée comme un aliment de qualité supérieure et a été associée la plupart du temps à la distinction sociale et à la richesse. En Grèce antique, par exemple, l’huile d’olive était considérée comme un symbole de prospérité et était utilisée pour l’alimentation, l’éclairage et l’hygiène personnelle. Au fil des siècles, l’huile d’olive a continué d’être associée à la distinction sociale et à la richesse dans de nombreux pays. En Italie, par exemple, l’huile d’olive est encore et toujours considérée comme un élément essentiel de la cuisine italienne et souvent utilisée pour marquer l’occasion de festivités ou de réunions familiales importantes.

De nos jours, l’huile d’olive est également associée à une alimentation saine et à des bienfaits pour la santé. Cette association peut contribuer à renforcer l’association de l’huile d’olive avec la distinction sociale et la richesse, car les individus qui peuvent se permettre de manger sainement sont souvent perçus comme ayant un niveau de vie plus élevé. D’ailleurs, les entreprises qui produisent, distribuent et vendent de l’huile d’olive, jouent d’ingéniosité en matière de marketing sur le plan des repères visuels afin de rejoindre une clientèle prête à dépenser des sommes conséquentes pour bien s’alimenter. En ce sens, on retrouvera là les 4 fonctions d’un repère visuel sans le marketing de l’huile d’olive :

  • signaler en vue de l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions ;
  • localiser d’autres repères qui doivent déclencher une action (le repère est élément de réseau) ;
  • confirmer qu’un individu adopte les comportements appropriés ;
  • combler certaines attentes.

On peut donc dire que l’huile d’olive, par seule mise en marché à travers son marketing, signale l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions. Si le statut social peut influencer l’alimentation de différentes façons, le niveau de revenu et l’accès aux ressources financières peuvent également affecter les choix alimentaires des individus. Étant donné que les personnes ayant un niveau de revenu plus élevé ont souvent accès à une plus grande variété d’aliments de qualité supérieure, elles peuvent être plus enclines à acheter des aliments sains et biologiques, d’où les repères visuels de l’huile d’olive ciblant le haut de gamme. Les personnes ayant un niveau de revenu plus faible, pour leur part, peuvent être contraints de faire des choix alimentaires moins coûteux et moins sains, d’où l’achat éventuel d’huiles d’olive de peu de qualité dans les grandes surfaces afin de s’inscrire dans la mouvance de la saine alimentation.

Photo : Tatiana Novoselova

Statut social de l’huile d’olive

Le statut social peut également influencer les attitudes et les comportements en matière d’alimentation, notamment en ce qui concerne les normes de consommation et les préférences alimentaires. Par exemple, certaines personnes peuvent être soumises à des pressions sociales pour suivre des régimes alimentaires spécifiques ou pour éviter certains aliments en raison de leur statut social.

En outre, le statut social peut influencer l’accès aux moyens de production et de distribution alimentaire, d’où l’idée que les personnes ayant un statut social élevé peuvent avoir accès à des moyens de production alimentaire de qualité supérieure, tels que des fermes biologiques ou des producteurs locaux, alors que les personnes ayant un statut social plus faible peuvent être limitées dans leur accès à ces sources d’aliments. Globalement, l’huile d’olive a, de tous temps, été associée à la distinction sociale et à la richesse dans de nombreux contextes culturels et historiques, et cette association est dès lors renforcée par son association avec une alimentation saine et bénéfique pour la santé.

Ici, deux aspects particuliers se dégagent sur le plan social :

  • l’huile d’olive a été associée à la distinction sociale et à la richesse dans de nombreux contextes culturels et historiques, et cette association a été renforcée par son association avec une alimentation saine et bénéfique pour la santé ;
  • le statut social peut influencer l’accès aux moyens de production et de distribution alimentaire.

En somme, les personnes ayant un statut social élevé peuvent avoir accès à des moyens de production alimentaire de qualité supérieure, tels que des fermes biologiques ou des producteurs locaux, alors que les personnes ayant un statut social plus faible peuvent être limitées dans leur accès à ces sources d’aliments.

Photo : OLiV

Les repères visuels de l’huile d’olive permettent de cibler cette clientèle à la recherche de sophistication et de distinction sociale en utilisant des canaux de marketing de luxe, tels que les magazines de mode et de design de luxe, les événements de dégustation haut de gamme et les programmes de fidélisation exclusifs. En misant sur l’histoire et la tradition de l’huile d’olive, tout en mettant en avant sa production dans des régions reconnues pour leur qualité, comme la Toscane en Italie ou l’Andalousie en Espagne, il devient alors possible de créer ce que l’on pourrait appeler un réseau visuel de l’huile d’olive.

Ce réseau visuel, constitué de repères visuels caractéristiques à l’huile d’olive haut de gamme, forme des parcours sociaux pour des classes sociales ou communautés plus favorisées, et détermine d’autant certaines attitudes et comportements, c’est-à-dire les lieux où se concentre les dimensions symboliques perceptibles en matière d’alimentation.

Statut visuel de l’huile d’olive versus le statut social

L’huile d’olive étant avant tout un produit de distinction sociale, il est donc important de travailler sur l’image de marque de celle-ci afin de créer ce que les publicitaires nomment une identité forte pour la marque. Cela, il va sans dire, inclut la création d’un packaging attrayant et la mise en place de campagnes publicitaires ciblées aux allures léchées et sobres tout en étant attrayantes en se fondant sur les critères suivants : qualités de luxe de l’huile d’olive, sa rareté, sa qualité supérieure, sa méthode de production artisanale, ses avantages pour la santé (propriétés anti-oxydantes, teneur en acides gras mono-insaturés bénéfiques pour le cœur).

Par exemple, cette publicité de l’entreprise OLIV répond aux critères ci-dessus : « L’équipe OLiV vous offre l’expérience « Wow » tout en vous aidant à manger plus sainement et plus naturellement. Notre gamme complète d’huile d’olive extra vierge (EVOO) et de véritable vinaigre balsamique sont des produits entièrement naturels qui le rendent plus pratique pour la cuisine de tous les jours. En utilisant nos formules exclusives pour aromatiser nos produits avec des huiles essentielles naturelles, vous pouvez naturellement aromatiser vos aliments avec tout, des saveurs à base de plantes, aux intrigues épicées ou fruitées et légères1. »

En somme, dans un monde où l’image prédomine, le travail sur les repères visuels d’un produit devient incontournable, peu importe la classe sociale à laquelle il est destiné. On ne s’adresse pas, visuellement parlant, de la même façon aux différentes classes sociales.

© Pierre Fraser (PhD), sociologue – 2022

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La jeune femme chic

Stratification sociale Le statut socio-économique d’une personne se reflète non seulement dans des indices subtils tels que certains mouvements du corps lorsqu’elle est en relation avec d’autres personnes, mais aussi dans le fait que les inégalités sociales sont reproduites par le corps d’où l’idée que…

Sur un déambulateur

Mise en récit : ces deux photos doivent conduire à une mise en récit qui intègre les deux étapes précédentes, c’est-à-dire que ces deux photos, d’une part, ont délibérément été choisies pour raconter quelque chose de cohérent — cohérence qu’il s’agit de restituer —, et…

Parce que la pauvreté existe…

Il existe deux univers en société, celui que tout le monde voit au quotidien et celui que personne ne veut voir… Production : Photo|SociétéRéalisation : Pierre Fraser Intervenants Inégalités sociales [vidéos] Exclusion et stigmatisation

Déplacer la pauvreté

L’embourgeoisement d’un quartier a ceci de particulier qu’elle a tendance à déplacer la pauvreté. Production : Photo|SociétéRéalisation : Pierre Fraser Intervenant Inégalités sociales [vidéos] Exclusion et stigmatisation

La faim a-t-elle un visage ?

Au Québec, en date de novembre 2022, 1 citoyen sur 4 éprouvait non seulement de la difficulté à s’alimenter sainement, mais éprouvait surtout de la difficulté à acheter des aliments afin de combler un besoin aussi élémentaire que celui de se nourrir. La vidéo de gauche est particulièrement explicite à ce sujet où le directeur général de la Bouchée Généreuse (Québec) démontre qu’en l’espace de quelques années seulement le nombre des bénéficiaires a plus que doublé.

Se nourrir est un besoin de base

Synopsis

Au Québec, en date de novembre 2022, 1 citoyen sur 4 éprouvait non seulement de la difficulté à s’alimenter sainement, mais éprouvait surtout de la difficulté à acheter des aliments afin de combler un besoin aussi élémentaire que celui de se nourrir. Cette vidéo est particulièrement explicite à ce sujet où le directeur général de la Bouchée Généreuse (Québec) démontre qu’en l’espace de quelques années seulement le nombre des bénéficiaires a plus que doublé. En fait, la faim est un problème majeur au Canada, où l’on estime que 4 millions de personnes, dont 1,15 million d’enfants, ont du mal à mettre de la nourriture sur la table. Concrètement, la pauvreté et l’exclusion sont deux des problèmes les plus urgents de notre époque, et en cette matière, le travail qui reste à faire relève presque du mythe de Sisyphe.

© Pierre Fraser (PhD), sociologue, 2022

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Précarité au féminin

Son corps pour le paiement du loyer, sa propre précarité comme moyen de pression. Production : Photo|SociétéRéalisation : Pierre Fraser Intervenante Inégalités sociales [vidéos] Exclusion et stigmatisation

La faim justifie les moyens

La faim, dans une société prospère comme le Québec, existe et exige une logistique sophistiquée de cueillette alimentaire auprès des épiceries. Production : Photo|SociétéRéalisation : Pierre Fraser Intervenante Inégalités sociales [vidéos] Exclusion et stigmatisation

J’ai faim…

Les banques alimentaires sont l’un des secteurs économiques les plus en croissance au Québec. Production : Photo|SociétéRéalisation : Pierre Fraser Intervenants Inégalités sociales [vidéos] Exclusion et stigmatisation

Marqueurs d’inégalités sociales

La défavorisation a ses propres repères visuels qui marquent les inégalités sociales. Production : Photo|SociétéRéalisation : Pierre Fraser Intervenant Inégalités sociales [vidéos] Exclusion et stigmatisation

La haine du pauvre

Stigmatiser les gens les plus défavorisés est aussi une façon de se situer soi-même sur l’échelle sociale Production : Photo|SociétéRéalisation : Pierre Fraser Participants Inégalités sociales [vidéos] Exclusion et stigmatisation

Franges visuelles

Définition

Une frange visuelle prend généralement la forme d’un terrain en friche ou d’un bâtiment à l’abandon. Ses limites sont à la fois précises et imprécises. Précises, dans le sens où elles sont géographiquement circonscrites. Imprécises, dans le sens où elles ne sont pas tout à fait socialement circonscrites, c’est-à-dire dont la fonction sociale n’est pas clairement déterminée.

Il existe, en milieu urbain, des zones intermédiaires de type frange. Le bâtiment de la première photo de gauche, situé à l’intersection des rues Saint-Joseph et Monseigneur-Gauvreau dans la portion revitalisée du quartier Saint-Roch de Québec, d’ancien commerce de proximité, est devenu par la suite une piquerie, a été squatté par des SDF, a été placardé par les autorités municipales, a été interdit d’utilisation, et est aujourd’hui un bâtiment tout à fait en phase avec la revitalisation du quartier.

Autre exemple, la seconde et la troisième photos de gauche sont intéressantes à plus d’un égard, car elles témoignent de la transformation d’un local commercial en frange visuelle en l’espace d’à peine 8 mois. Situé sur la rue St-Joseph dans le quartier St-Roch (Québec), encastré entre un restaurant (à gauche) et un centre communautaire (à droite), il est possible de constater, sur la première photo, que le commerce est sur le point de fermer ses portes, car il y a une affiche indiquant « Vente fin de bail » (le commerce a définitivement fermé ses portes le 30 juin 2014).

Sur la troisième photo, il est possible de constater que la façade du même local a subi une métamorphose impressionnante : de bâtiment à la fonction sociale précise, il est devenu un bâtiment à la fonction sociale imprécise. L’espace restreint de la façade de ce bâtiment est clairement devenu une frange. À quelques reprises, j’ai vu là des hommes uriner, d’autres fumer des joints, d’autres faire des transactions illicites, et en ce sens, il est pertinent de souligner que l’état de délabrement d’un espace donné incite aux incivilités (théorie de la vitre brisée) et à certaines formes de criminalité.

Comme le souligne le chercheur Georges Vignaux, on pourrait baptiser aussi ces espaces : « les marges » au sens de l’abandon, du sans destination, du non affecté, de la « zone », « à ban » comme on disait autrefois pour désigner l’espace des bannis et qui a donné « la banlieue ». Cela rejoint la notion de frange visuelle.

© Texte : Georges Vignaux, Pierre Fraser, 2018
© Photos : Pierre Fraser, 2016

Réseaux visuels

Les réseaux visuels constituent des réseaux sociaux.

Définition

1. Un réseau visuel est constitué de repères visuels propres à certains réseaux sociaux (le social et le sociétal, l’intangible) permettant leur identification et leur localisation dans le but de déclencher une action ou une opportunité d’actions.
2. Un réseau visuel forme des parcours sociaux pour certaines classes sociales ou communautés, et détermine d’autant certaines attitudes et comportements (les lieux où se concentre les dimensions symboliques perceptibles).

Un réseau visuel est articulé autour de trois caractéristiques : morphologique, fonctionnel, cognitif.

  • le morphologique avec ses rapports au territoire, les lieux où se concentre l’exclusion sociale, les dimensions physiques perceptibles, l’attitude des gens (à Paris, l’ouest riche versus l’est pauvre ; à Québec, la haute ville riche versus la basse ville défavorisée) ;
  • le fonctionnel, c’est-à-dire comment les réseaux travaillent le territoire et réciproquement, comment le territoire sollicite un ou des réseaux, voire un réseau hypothétique (à Paris, les Roms venus de Roumanie se terrent sous les bretelles d’autoroute du nord dans de vastes campements ignorés et se répandent dans la ville en réseau structuré pour le partage des contenus de poubelles ; à Québec, les défavorisés sillonnent surtout les rues du quartier St-Roch où plusieurs organismes communautaires qui leur sont dédiés y ont pignon sur rue) ;
  • le cognitif, c’est-à-dire les ancrages (repères) dans la ville, les systèmes de repérage pour le déplacement (parcours), schémas mentaux pour le parcours à pied, en voiture, etc., et qui constituent effectivement des réseaux d’appropriation locale ou globale de l’espace (territoire).

Des gens défavorisés et favorisés qui se côtoient représentent aussi la fonctionnalité d’un quartier.

L’aspect morphologique

Il est nécessaire de repérer le morphologique, c’est-à-dire comprendre comment se répartit la stratification sociale dans un milieu donné. Il importe aussi de savoir qu’un quartier ne livre pas de facto ce qui le caractérise. Il faut y passer plusieurs heures), le photographier sous tous les angles possibles afin de bien le saisir. Par la suite, il faut classer et répertorier les photographies, tenter de trouver à travers celles-ci ce qui montre le plus adéquatement la morphologie du quartier. Une fois engagé dans ce processus, il faut voir comment cette répartition est globalement effectuée, c’est-à-dire les quartiers ou arrondissements. Du moment qu’un quartier ou arrondissement est identifié, il faut :

  • s’informer sur sa structure économique et démographique (données statistiques) afin d’obtenir un premier portrait d’ensemble (rapports aux territoires) ;
  • parcourir le quartier, armé de sa caméra, et le photographier afin de savoir où se concentre l’exclusion sociale ;
  • identifier les dimensions physiques perceptibles et les photographier (architecture, circulation, types de commerces présents, services communautaires, trottoirs, pistes cyclables, éclairage, parcs urbains, mobilier urbain, graffitis), tout ce qui est susceptible de rendre compte des caractéristiques physiques d’un quartier ;
  • repérer les personnes qui habitent le quartier et les photographier (postures du corps, vêtements).

Montrer comment le territoire sollicite un ou des réseaux d’un territoire donné.

L’aspect fonctionnel

Montrer l’aspect fonctionnel d’un quartier — réseaux visuels qui travaillent le territoire et réciproquement — c’est aussi montrer comment le territoire sollicite un ou des réseaux d’un territoire donné. Réussir à montrer l’aspect fonctionnel par l’image est à la fois une démarche simple et complexe. Simple, car il suffit de repérer dans l’environnement les types de commerces ou services communautaires qui y sont présents. Complexe, dans le sens où photographier un commerce ne montre pas forcément comment celui-ci travaille le territoire et la relation que les habitants entretiennent avec lui.

Par exemple, si je photographie une épicerie, que je suis dans un quartier défavorisé et que je ne photographie que le commerce, je passe à côté de l’aspect fonctionnel de celui-ci. Autrement dit, il faut que je puisse photographier les gens qui entrent ou sortent de ce commerce, ce qui rendra effectivement compte de sa fonctionnalité. À ce titre, la photo de gauche est intéressante à plus d’un égard. Premièrement, elle dépeint un quartier où l’on retrouve des terrasses sur les trottoirs (quartier St-Roch de Québec en plein processus de revitalisation). Deuxièmement, si on prête le moindrement attention à ce qui compose cette photo, on y repère un homme dont l’attitude et les vêtements ne semblent pas concorder avec ceux des autres personnes présentes. Troisièmement, cette photo révèle aussi la mixité sociale, et qui dit mixité sociale signale aussi quartier central.

La spécificité de la dimension cognitive d’un réseau visuel se révèle en fonction du quartier.

L’aspect cognitif

Comme le montre la photo de gauche, prise dans le quartier Saint-Roch de Québec, chaque repère visuel fonctionne comme des ancrages cognitifs dédiés aux touristes, comme système de repérage pour orienter les déplacements (parcours), dessinant ainsi des schémas mentaux pour le parcours à pied, à vélo, en voiture, etc., et qui constituent effectivement des réseaux d’appropriation locale ou globale de l’espace (territoire). En fait, monter le cognitif n’est pas la tâche la plus simple, car il faut passer d’innombrables heures dans un quartier pour identifier ce qui fait repère visuel dans celui-ci pour les gens qui y habitent comme pour les gens qui y sont de passage.

Par exemple, les graffitis participent au repérage, tout comme les bâtiments démolis transformés en stationnements de surface. Par exemple, lorsque je me déplace dans les quartiers Saint-Roch, Saint-Sauveur et Saint-Jean-Baptiste de la ville Québec, mes principaux repères visuels sont les graffitis : ils m’indiquent des parcours de la défavorisation, car plus les graffitis sont présents sur les bâtiments ou les infrastructures, plus la défavorisation est présente, plus les bâtiments sont sujets au délabrement, plus les gens ont des postures qui manifestent la défavorisation. Tous ces parcours construits par les graffitis forment un réseau où s’inscrit la défavorisation.

En somme, les graffitis, dans le cas de figure présent, agissent comme des schémas mentaux qui me permettent de parcourir à pied le quartier. Tous ces graffitis forment un réseau d’appropriation locale et globale de ce territoire. En revanche, dans les quartiers centraux plus huppés ou en voie d’embourgeoisement, les graffitis fonctionnent autrement que par la simple défavorisation et ce sont ce sont d’autres repères visuels qui fonctionnent et qui en relèvent l’aspect cognitif.

© Georges Vignaux, Pierre Fraser, 2018

La jeune femme chic

Stratification sociale

L’homme aux vêtements usés et élimés (© Pierre Fraser, 2017)
La jeune femme chic (© Pierre Fraser, 2016)

Le statut socio-économique d’une personne se reflète non seulement dans des indices subtils tels que certains mouvements du corps lorsqu’elle est en relation avec d’autres personnes, mais aussi dans le fait que les inégalités sociales sont reproduites par le corps d’où l’idée que « le corps social fait du corps individuel la courroie de réception, de transmission et de transformation de son ordre symbolique [où] le corps individuel est toujours engendré par l’information à partir de laquelle le corps est socialement construit et reconnu. C’est cette information qui soutient, de façon synchronique, une vision particulière du corps social et du corps individuel1. »

Référence de cet article

[1] St-Jean, M. (2010), Métamorphose de la représentation sociale du corps dans la société occidentale contemporaine, Thèse de doctorat, UQAM, URL: https://archipel.uqam.ca/3756/1/D1938.pdf.

Citer cet article
Vignaux, G. (2021). « La restitution de résultats ». Revue de Sociologie Visuelle : Territoires visuels, vol. 1, n°1 , p. 19-22. ISBN : 978-2-923690-6-2.

La première photo, L’homme aux vêtements usés et élimés, se veut une amorce pour un article traitant des attitudes corporelles et du port de certains vêtements liées à l’appartenance à une classe sociale donnée. Si on part de l’idée que les attitudes corporelles se construisent, dans les quartiers défavorisés, à partir de corps fatigués, de vêtements usés et élimés, la démarche lente et les itinéraires discrets, en contraste avec l’environnement global mobile, c’est peut-être qu’elles traduisent une certaine inertie, un certain abandon au sort. À l’inverse, les corps jeunes et énergiques, vêtus à la dernière mode et à la démarche affirmée, sont en contraste, dans les sociétés occidentales, avec une large part de la population vieillissante.

La seconde photo, La jeune femme chic, poursuit cette analyse des attitudes corporelles. En l’examinant attentivement, on constate, à l’arrière- plan, un homme adossé à un mur qui est aussi un habitué de la banque alimentaire du quartier et des services de soutien aux personnes démunies. À remarquer aussi le contraste de ses vêtements par rapport à ceux de la jeune femme qui passe tout juste devant lui, tout comme l’attitude corporelle de la jeune femme par rapport à celle de l’homme.

Concrètement, la géométrie sociale se construit toujours à partir de contrastes, de là la nécessité de tout un travail de typification des attitudes corporelles qui reste encore à faire. En ce sens, ces deux photos traduisent deux phénomènes : (i) la façon de se vêtir de certaines personnes démunies et la posture corporelle, parfois prostrée, des gens défavorisés — certes, tous les gens défavorisés n’ont pas une posture corporelle prostrée ni ne porte tous des vêtements défraîchis — ; (ii) la façon dont les attitudes corporelles des uns et des autres entrent en contraste, tracent des parcours à la fois visuels et sociaux, délimitent un territoire visuel et social où se vit la mixité entre gens nantis et démunis.

Faut-il ici souligner que l’allure même d’un vêtement signale l’appartenance à un groupe social ou à une classe sociale donnée. En fait, et c’est là où les choses deviennent intéressantes, c’est que si on s’y mettait et qu’on analysait les vêtements que porte la jeune femme, ainsi que le type de valise qu’elle tire, la posture de son corps et la position de sa tête, ceux-ci pourraient nous en dire beaucoup sur sa position personnelle sur le gradient social, tout comme si on procédait à la même analyse pour l’homme à l’arrière-plan ; il y a ici toute une sociologie des postures du corps et de la mode à convoquer.

En fait, en partant de plusieurs photos, il devient dès lors possible de restituer de véritables résultats en autant que l’on fasse une fidèle description de ce qui constitue la représentation de chacune des photos, que l’on en identifie correctement les contextes respectifs, et que l’on puisse parvenir à une interprétation somme toute relativement fiable.

Sur un déambulateur

© Pierre Fraser, 2015

Mise en récit : ces deux photos doivent conduire à une mise en récit qui intègre les deux étapes précédentes, c’est-à-dire que ces deux photos, d’une part, ont délibérément été choisies pour raconter quelque chose de cohérent — cohérence qu’il s’agit de restituer —, et d’autre part, le contact avec l’image doit inciter à produire un récit à propos de tout ou partie des photos où la première photo révèle les vêtements élimés d’un homme qui fume en milieu urbain à l’intersection de deux rues achalandées, tandis que la seconde révèle des vêtements de bonne qualité d’un homme qui observe la nature dans un boisé urbain .

© Pierre Fraser, 2017

Possibilités d’interprétation : la mise en récit n’épuise pas pour autant toutes les possibilités, car elles désignent aussi un continuum narratif compris entre deux pôles. En d’autres termes, bien souvent, derrière un propos généralisant (constatif, esthétique, moral), se profile une expérience vécue pour celui qui regarde ces photos, une relation à un proche, sur un mode finalement inductif.

Sur un déambulateur

Citer cet article
Fraser, P. (2021). « L’entretien photographique ». Revue de Sociologie Visuelle : Territoires visuels, vol. 1, n°1 , p. 14-17. ISBN : 978-2-923690-6-2.

Ces deux photos doivent conduire à une production de sens, à une généralisation, à une mise en récit et à différentes possibilités d’interprétation.

Production de sens : ces deux photos présentent deux hommes assis sur un déambulateur dans deux contextes différents.

Généralisation : ces deux photo doivent susciter chez celui qui les regarde un jugement global sur la situation sociale des deux hommes assis sur leurs déambulateurs — celui de gauche est installé à l’intersection des rues Saint-Joseph et Du Pont dans le quartier Saint-Roch de Québec, un quartier en processus accéléré d’embourgeoisement où se vit la mixité sociale, et celui de droite se retrouve au Parc Chauveau, un parc urbain inscrit dans l’un des quartiers favorisés de la ville Québec.

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Production : Photo|Société
Réalisation : Pierre Fraser

Intervenants

  • Pierre Gravel (dir. La Bouchée Généreuse)
  • Diane (collectif Rose du Nord)
  • Mélanie (collectif Rose du Nord)
  • Marielle (collectif Rose du Nord)


Exclusion et stigmatisation