Vendre, convaincre, déguster

La séquence de dégustation présentée ici révèle à la fois le rôle social du vendeur et du consommateur. Elle installe définitivement le vendeur et la consommatrice dans leurs rôles sociaux respectifs.

Au Marché Public du Vieux-Port de Québec (démoli en 2019), deux types de clients fréquentaient les lieux, pour la simple raison qu’il y avait deux types de commerces qui y faisaient affaire. D’une part, il y avait les commerçants qui offraient des produits déjà préparés et prêts à la consommation qui pouvaient être offerts en cadeau ou pour une consommation personnelle. D’autre part, il y avait ceux, et ils sont peu nombreux, qui vendaient une gamme variée de fruits, légumes, céréales, épices, fines herbes, condiments, huiles, vinaigre, et farines pour cuisiner. Dans un tel contexte, autant le commerçant que le client ont un rôle social à jouer et il est convenu et accepté que le client sera éventuellement sollicité à déguster tel ou tel produit au Marché Public du Vieux-Port de Québec, surtout dans la période qui allait du début novembre au 24 décembre. On attend aussi du client qu’il soit poli et réserve pour lui ses commentaires désagréables : s’il goûte un produit et que ça ne lui plaît pas, il doit minimiser cette réaction afin qu’elle soit le moins visible possible. Quant au commerçant, si le client qu’il a devant lui ne lui revient pas, il ne doit manifester en aucune circonstance le fait qu’il préférerait le voir ailleurs, peut-être même chez un concurrent. Autrement dit, toute la relation commerciale dans un tel lieu est essentiellement une affaire de faux fuyants et de non-dits. Malgré tout, les commerçants conservent le sourire devant le client, et le client réserve son sourire quand le produit le satisfait ou qu’il a procédé à un achat.

Pour illustrer mon propos, la séquence de dégustation présentée ci-dessous révèle à la fois le rôle social du vendeur et du consommateur. Cette séquence de dégustation installe définitivement le vendeur et la consommatrice dans leurs rôles sociaux respectifs. En fait, une transaction pré-commerciale de cette nature est socialement codée et normalisée. Observez attentivement, dans un premier temps, le visage du vendeur dans chacune des séquences : il est avenant, dégage une certaine confiance et une certaine insistance qui se lit dans son sourire. Faites le même exercice avec la jeune femme, mais cette fois-ci, observez plutôt la posture corporelle globale de celle-ci.

Séquence 1

La posture corporelle de la jeune femme est dans la réserve, semble dégager une certaine hésitation à goûter ou non le produit alors que la main gauche est refermée et près du cou.

Séquence 2

Toute la posture corporelle de la jeune femme signale l’absorption dans le propos du vendeur — mains croisées appuyées sur le ventre et tête légèrement avancée.

Séquence 3

La jeune femme montre une posture corporelle encore hésitante et dans une certaine retenue : le haut du corps est légèrement projeté vers l’arrière, alors qu’il n’y a que sa main qui approche celle du vendeur.

Séquence 4

Le corps de la jeune femme revient dans sa position initiale et la tête est légèrement projetée vers l’avant pour accueillir la cuillère.

Au marché public

Comment la photographie peut-elle rendre compte des réalités sociales ?

La photo que je prends aujourd’hui a-t-elle une quelconque valeur du point de vue sociologique, c’est-à-dire sa capacité à rendre compte d’une quelconque réalité sociale ? Par définition, la majorité des photos que nous prenons en contexte social ont une valeur sociologique. Par exemple, une photo prise il y a quelques années ou quelques décennies…

Du foie gras au macaroni

Du moment que la classe moyenne adopte certains types aliments, ils perdent ainsi le caractère de différenciation de classe, ce qui fait que les élites recherchent un nouveau raffinement qui les distingue des classes sociales qui leurs sont inférieures. (© Photo : Pierre Fraser) Les différences alimentaires sont avant tout des différences de classe sociale…

Parcours visuels

Dans un marché public, les affiches et les agencements de produits que les commerçants mettent en place tracent des parcours incitant à la consommation. (© Photo : Pierre Fraser, 2015) Dans un supermarché, les parcours visuels ont fait l’objet d’une analyse toute particulière afin de maximiser les ventes, dont, à l’entrée, fruits, légumes, poissonnerie, boulangerie,…

Dégustation au marché public

La séquence de dégustation présentée ici révèle à la fois le rôle social du vendeur et du consommateur. Elle installe définitivement le vendeur et la consommatrice dans leurs rôles sociaux respectifs. Au Marché Public du Vieux-Port de Québec (démoli en 2019), deux types de clients fréquentaient les lieux, pour la simple raison qu’il y avait…

Comment la photographie peut-elle rendre compte des réalités sociales ?

La photo que je prends aujourd’hui a-t-elle une quelconque valeur du point de vue sociologique, c’est-à-dire sa capacité à rendre compte d’une quelconque réalité sociale ? Par définition, la majorité des photos que nous prenons en contexte social ont une valeur sociologique. Par exemple, une photo prise il y a quelques années ou quelques décennies peut révéler beaucoup sur le contexte social d’une certaine époque. Une fête familiale, un événement sportif, culturel, religieux ou autre, nous renseigne sur la nature des interactions sociales, les normes culturelles, les relations de pouvoir, la façon dont les gens communiquent à travers leurs postures vestimentaires ou corporelles, etc. La photographie peut également être utilisée pour étudier la construction de l’identité, thème cher à notre époque où la fluidité corporelle dissocie le genre des organes génitaux donnés à la naissance.

On peut donc dire que la sociologie visuelle vise avant tout à accroître le pouvoir analytique des données visuelles par un engagement critique avec les pratiques visuelles de la vie quotidienne. De cette façon, la sociologie visuelle est l’application de méthodes visuelles à la recherche et à l’enquête sociologiques. Ce faisant, les sociologues intéressés par la dimension visuelle s’efforcent de créer de nouvelles façons d’enquêter sur la vie sociale et de développer de nouvelles propositions théoriques. En ce sens La sociologie visuelle concerne la construction d’images pour expliquer les phénomènes sociaux. Il s’agit d’un domaine relativement nouveau de la sociologie qui utilise des photographies et d’autres images pour étudier et expliquer les tendances sociales, les comportements et les idées.

Ainsi, la première photo de gauche, prise dans un marché public, révèle en partie l’appartenance à une certaine classe sociale de cette personne qui examine un sachet de chocolat de 250 gr. valant au bas mot 7,50 $. Elle a la possibilité de choisir ce qu’elle désire acheter. À l’inverse, la seconde photo, prise dans une banque alimentaire, révèle l’appartenance à une classe sociale moins nantie, où il n’est pas question de choisir ce que l’on veut acheter, mais bien de choisir ce qui est rendu gratuitement disponible par ceux qui ont récolté de la nourriture auprès d’épiceries ou de supermarchés.

En somme, la photographie nous aide à comprendre comment le visuel peut façonner nos perceptions du monde.

© Pierre Fraser (PhD), texte et photos, 2022

Du foie gras au macaroni

Du moment que la classe moyenne adopte certains types aliments, ils perdent ainsi le caractère de différenciation de classe, ce qui fait que les élites recherchent un nouveau raffinement qui les distingue des classes sociales qui leurs sont inférieures. (© Photo : Pierre Fraser)

Les différences alimentaires sont avant tout des différences de classe sociale et que les goûts sont façonnés par la culture et contrôlés par la société. (© Photo : Pierre Fraser)

Les normes alimentaires sont socialement produites et internalisées et passent ainsi de la sphère sociale à la sphère du sujet. À ce titre, les repères visuels de cette photo soigneusement mis en scène, renvoient à une alimentation à l’aune de la santé qui ciblent les classes sociales plus favorisées. (© Photo : Min Che)

Citer cet article
Vignaux Georges (2017), «Du foie gras au macaroni», Plan rapproché, vol. 1, n° 2, Québec : Éditions Photo|Société.

DU FOIE GRAS AU MACARONI, c’est aussi la métaphore de se nourrir en tant que pauvre ou nanti. Le foie gras au torchon est un aliment élitiste, aliment de foodie et de distinction sociale disponible dans les boutiques spécialisées pendant la période du temps des fêtes au Québec, tandis que le macaroni, nourriture de tous les jours, nourriture d’indistinction sociale, est particulièrement disponible dans les banques alimentaires. Toutefois, les deux photos de gauche pointent aussi des tendances prenant forme d’images et de métaphores. Certes, il existe des symboles liés au luxe dont fait partie le foie gras, mais certains de ceux-ci sont des produits de luxe ritualisés dans un contexte social festif, la période de Noël.

Par exemple, il suffit de parler à un Gascon, qui vous confirmera sans équivoque que le foie gras c’est à Noël, parce que les oies ont été gavées à cette époque, et que c’est un produit du terroir dans lequel se reconnaît une communauté culturelle. Donc, si le foie gras est commun dans le Sud-Ouest de la France, il est luxueux à Paris ou à l’étranger. Ainsi, le foie gras n’est pas le signe du riche, mais plutôt le signe de la tendance vers la « distinction » au sens de Bourdieu, c’est-à-dire que ça fait chic, que c’est exceptionnel, tandis que le macaroni c’est tous les jours.

Les pratiques alimentaires ne sont pas seulement des comportements ou des habitudes, mais aussi et surtout des pratiques sociales ayant une dimension imaginaire, symbolique et sociale claire. Ainsi, les pratiques alimentaires ne sont pas seulement des comportements ou des habitudes, car en cela les humains ne se différencient pas du reste de l’espèce, mais aussi et surtout, ce sont des pratiques sociales, et pour cette raison elles impliquent une dimension imaginaire, symbolique et sociale.

Dans son ouvrage La distinction, critique sociale du jugement[1], Pierre Bourdieu avance l’idée que les gens choisissent en fonction de leurs préférences, que celles-ci sont prévisibles, pour autant que l’on connaisse leur milieu social de provenance, mettant ainsi en évidence l’origine sociale du goût et la forte concurrence entre les groupes sociaux pour l’affirmation de la distinction sociale. En explorant les caractéristiques différenciées du régime bourgeois et du régime populaire, Bourdieu parvient à postuler que les différences alimentaires sont avant tout des différences de classe sociale et que les goûts sont façonnés par la culture et contrôlés par la société.

Pour sa part, Norbert Elias, dans son ouvrage Sur le processus de civilisation[2], présente une piste fort intéressante : les changements se produisent sur le long terme et certains de ces changements persistent — les ustensiles de cuisine utilisées au XVIIIe siècle sont encore utilisées. En étudiant les manières de table des classes supérieures de différentes époques, il a pu en conclure qu’il ne s’agit pas d’un changement dans une seule direction, car il existe un comportement d’imitation des élites qui, en plus de modifier le comportement de ceux qui les imitent, modifie celui des couches qui sont imitées dans un processus de différenciation progressive.

Par exemple, les manières de la classe moyenne sont modifiées et elles perdent ainsi le caractère de différenciation de classe, ce qui fait que les élites recherchent un nouveau raffinement qui les distingue des classes sociales inférieures. Pour Elias, les problèmes de changement alimentaire nécessitent une analyse des changements dans le processus de civilisation, car l’expérience historique clarifie la signification de certaines règles, tant les exigences que les interdictions, tant des habitudes de table que dans la sélection des produits. En fait, ce que met en lumière Elias, c’est comment les normes alimentaires sont produites et internalisées, comment elles passent de la sphère sociale à la sphère du sujet.

En ce qui concerne les travaux des sociologues plus classiques, l’attention s’est portée de préférence sur les aspects productifs, en utilisant l’alimentation comme moyen efficace d’apprentissage d’autres manifestations sociales : inégalité, pouvoir, religion, etc. Si la sociologie de l’alimentation a souvent été identifiée à une sociologie de la consommation alimentaire, en même temps, et sans guère de lien avec la sociologie de la consommation, s’est développé une sociologie des systèmes alimentaires qui trouve son origine dans l’économie et dans la sociologie agricole, en particulier dans les études agro-alimentaires — une ligne centrée surtout sur la production mais qui s’oriente vers le monde de la consommation.

L’un des défis actuels de la sociologie de l’alimentation est-il d’articuler les deux aspects, production et consommation, dans les mêmes cadres théoriques ? De là, la sociologie photographique peut-elle contribuer à articuler ses deux aspects ? Autrement, le cadre de Bourdieu et celui d’Elias sont-ils plus appropriés pour un travail de sociologie photographique portant sur la distinction sociale en matière d’alimentation ? La question reste ouverte.


[1] Bourdieu, P. (1979), La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris : Éditions de minuit.
[2] Elias, N. (1989), La civilisation des mœurs, Paris : Pocket.

Parcours visuels

Dans un marché public, les affiches et les agencements de produits que les commerçants mettent en place tracent des parcours incitant à la consommation. (© Photo : Pierre Fraser, 2015)

Dans un supermarché, les parcours visuels ont fait l’objet d’une analyse toute particulière afin de maximiser les ventes, dont, à l’entrée, fruits, légumes, poissonnerie, boulangerie, charcuterie, boucherie. (Photo du domaine public)

Définition

1. Un parcours visuel est constitué de repères visuels propres à certains espaces clairement délimités (l’espace et le territoire, le tangible)

2. Un parcours visuel forme des parcours de déplacements orientés dans telle ou telle direction en fonction de l’espace dans lequel il s’inscrit (les lieux où se concentre les dimensions physiques perceptibles).

Dans un marché public, les affiches et les agencements de produits que les commerçants mettent en place tracent des parcours invitant à la consommation. Dans un supermarché, ces parcours visuels ont fait l’objet d’une analyse toute particulière afin de maximiser les ventes : à l’entrée, fruits, légumes, poissonnerie, boulangerie, charcuterie, boucherie ; au centre, les produits transformés ; aux deux tiers, les produits de nettoyage, d’hygiène personnelle, et la nourriture pour animaux ; à l’extrémité les surgelés ; au fond, les produits laitiers et les viandes emballées.

Chaque allée d’un supermarché est identifiée par une affiche dressant la liste des produits qui s’y retrouvent. Chaque produit a lui-même fait l’objet d’une conception toute particulière pour attirer le consommateur. Tout, dans un supermarché, constitue des parcours visuels incitant à la consommation. Les parcours visuels sont aussi des parcours sociaux. À ce titre, la disposition de ce qui est offert dans une banque alimentaire est avant tout parcours social de la défavorisation qui n’incite en rien à la consommation, mais bien plutôt à combler une besoin de base, se nourrir.

Dans un supermarché à escompte, les produits sont disposés sur d’immenses étals similaires à ceux des entrepôts. Dans un supermarché standard, les produits sont disposés sur des présentoirs d’une hauteur maximale de 2 mètres. La localisation d’un supermarché, dans un quartier défavorisé, ou dans un quartier de la strate médiane de la classe moyenne, ou dans un quartier nanti, détermine la gamme de produits qui sera offerte. Concrètement, la localisation d’un supermarché définit en partie certaines pratiques alimentaires.

La banque alimentaire, tout comme le marché public, tout comme le supermarché, est confrontée à une seule et même contrainte : rendre accessibles le plus facilement possible les produits offerts gratuitement. Cependant, il y a une différence, et cette différence est majeure : alors que le commerçant du marché public et du supermarché jouent d’ingéniosité dans la mise en valeur de ses produits pour attirer le consommateur, la banque alimentaire n’a pas à se préoccuper de cette portion de la transaction commerciale : les produits sont disposés pêle-mêle sur des tables alignées les unes à la suite des autres. Il s’agit de mettre en place un circuit de denrées et de produits, c’est-à-dire un parcours visuel spécifique, un peu comme à la cafétéria, où le bénéficiaire se sert à la carte à travers une offre souvent fort limitée de produits.

Autrement, les graffitis, les bâtiments délabrés et le mobilier urbain abîmé agissent comme repères visuels qui tracent des parcours de la défavorisation. Autrement, l’attitude corporelle des gens et leurs vêtements sont autant de repères visuels qui tracent des parcours visuels : une personne vêtue à la dernière mode n’a pas les mêmes parcours géographiques et sociaux qu’une personne aux vêtements élimés et défraîchis.

Autre exemple, une église a toujours été un lieu-mouvements, c’est-à-dire un espace au sens fort de la plénitude sociale, qui se constitue comme lieu de connectivités concrètes (le tangible) et symboliques (l’intangible). Ces connectivités résident autant dans les pratiques de cet espace que dans les différents plans de lectures cognitives et symboliques que cet espace favorisera à travers ses repères visuels, ses parcours visuels et ses réseaux visuels. Une église est aussi une frontière visuelle, c’est-à-dire qu’elle est avant tout une limite physique, car elle circonscrit un territoire visuel dont les repères visuels relèvent de la foi catholique.

En ce sens, entrer dans une église, c’est aussi entrer dans un réseau visuel riche et dense composé d’une multitude de repères visuels d’ordre architectural — abside, chapelle, chœur, clocher, clocher-porche, crypte, déambulatoire, flèche, nef, parvis, transept, vitraux, voûtes —, de l’ordre du mobilier — autel, ambon, balustres, cathèdre, chaire, crédence, croix, confessionnaux, jubé, lutrin, prie-Dieu, stalles —, de l’ordre du culte — calice, ciboire, chemin de croix, cierges, crucifix, fonts baptismaux, hostie, patène, tabernacle, statues, vêtements sacerdotaux, vin. Ce réseau visuel, constitué de repères visuels propres au culte et à la dimension culturelle, permet leur identification et leur localisation dans le but de déclencher une action liée à la dimension religieuse. L’église est aussi parcours visuel, c’est-à-dire qu’elle est un espace circonscrit composé d’une multitude de repères visuels constitués en réseau visuel dans lequel évolue un individu dans le but d’accomplir une action ou un ensemble d’actions liées au culte, formant ainsi des parcours sociaux normalisant des attitudes et comportements spécifiques.

© Pierre Fraser (PhD), Georges Vignaux (PhD), 2018 / texte

Soupe de poissons à prix fort

Les produits Leader Price vendus au Québec , à moins que le consommateur québécois ne le sache pas, sont des produits d’entrée de gamme en France. D’ailleurs, Leader Price se positionne comme « une enseigne où l’on peut concilier prix bas et plaisir » et c’est « le choix malin pour vivre bien ». Ce qui devrait particulièrement retenir notre attention, en tant que consommateur, c’est le discours proposé par cette société autour de ses propres produits. J’ai souligné en italique les éléments les plus importants à retenir :

  • Chez Leader Price, nous luttons chaque jour pour vous offrir des prix bas et des produits de qualité rigoureusement sélectionnés.
  • Chez Leader Price, nous proposons chaque jour des viandes, des fruits et des légumes de saison, en privilégiant l’origine France et à prix Leader Price.
  • Leader Price, c’est près de 600 magasins à taille humaine, partout en France, où l’on peut avoir des prix bas à côté de chez soi.
  • Chez Leader Price, offrir une expérience d’achat agréable, c’est une question de respect. C’est pour cela que nous travaillons à la rénovation de nos magasins et de nos emballages.
  • Chez Leader Price, les prix bas sont permanents et les produits sélectionnés, pour vous offrir un choix juste répondant aux besoins du quotidien, sans superflu.

D’une part, il y a cette idée que cette entreprise lutte pour le plus grand bien de ses consommateurs. Pour rappel, une entreprise est là pour faire des profits et non pour faire la charité. De plus, la lutte dont il est ici question est avant tout soumise aux conditions générales du marché des denrées alimentaires sur lequel Leader Price a peu d’emprise : elle ne fait qu’acheter en grandes quantités des produits offerts par des producteurs ou de grands distributeurs dont le prix est déjà fixé. Conséquemment, vendre à bas prix oblige à mentionner que même si le prix est bas, il est tout de même de qualité. Ce discours entre dans la même logique que celui des politiciens qui disent couper dans les services dédiés aux citoyens pour mieux les servir : faire plus avec moins. D’autre part, Leader Price joue sur cinq tableaux au niveau de l’affect : l’origine de la provenance des produits, jouer sur la fibre nationale ; des commerces à taille humaine, jouer sur l’entre soi ; des commerces tout près de chez soi, jouer sur le concept de commerce de proximité ; des produits répondant aux besoins du quotidien, jouer sur la consommation responsable ; offrir une expérience d’achat — Saint Graal des commerçants —, jouer sur l’immersion émotive.

© Pierre Fraser (PhD), texte et photos, 2020

Dégustation au marché public

La séquence de dégustation présentée ici révèle à la fois le rôle social du vendeur et du consommateur. Elle installe définitivement le vendeur et la consommatrice dans leurs rôles sociaux respectifs.

Au Marché Public du Vieux-Port de Québec (démoli en 2019), deux types de clients fréquentaient les lieux, pour la simple raison qu’il y avait deux types de commerces qui y faisaient affaire. D’une part, il y avait les commerçants qui offraient des produits déjà préparés et prêts à la consommation qui pouvaient être offerts en cadeau ou pour une consommation personnelle. D’autre part, il y avait ceux, et ils sont peu nombreux, qui vendaient une gamme variée de fruits, légumes, céréales, épices, fines herbes, condiments, huiles, vinaigre, et farines pour cuisiner. Dans un tel contexte, autant le commerçant que le client ont un rôle social à jouer et il est convenu et accepté que le client sera éventuellement sollicité à déguster tel ou tel produit au Marché Public du Vieux-Port de Québec, surtout dans la période qui allait du début novembre au 24 décembre. On attend aussi du client qu’il soit poli et réserve pour lui ses commentaires désagréables : s’il goûte un produit et que ça ne lui plaît pas, il doit minimiser cette réaction afin qu’elle soit le moins visible possible. Quant au commerçant, si le client qu’il a devant lui ne lui revient pas, il ne doit manifester en aucune circonstance le fait qu’il préférerait le voir ailleurs, peut-être même chez un concurrent. Autrement dit, toute la relation commerciale dans un tel lieu est essentiellement une affaire de faux fuyants et de non-dits. Malgré tout, les commerçants conservent le sourire devant le client, et le client réserve son sourire quand le produit le satisfait ou qu’il a procédé à un achat.

Pour illustrer mon propos, la séquence de dégustation présentée ci-dessous révèle à la fois le rôle social du vendeur et du consommateur. Cette séquence de dégustation installe définitivement le vendeur et la consommatrice dans leurs rôles sociaux respectifs. En fait, une transaction pré-commerciale de cette nature est socialement codée et normalisée. Observez attentivement, dans un premier temps, le visage du vendeur dans chacune des séquences : il est avenant, dégage une certaine confiance et une certaine insistance qui se lit dans son sourire. Faites le même exercice avec la jeune femme, mais cette fois-ci, observez plutôt la posture corporelle globale de celle-ci.

Séquence 1

La posture corporelle de la jeune femme est dans la réserve, semble dégager une certaine hésitation à goûter ou non le produit alors que la main gauche est refermée et près du cou.

Séquence 2

Toute la posture corporelle de la jeune femme signale l’absorption dans le propos du vendeur — mains croisées appuyées sur le ventre et tête légèrement avancée.

Séquence 3

La jeune femme montre une posture corporelle encore hésitante et dans une certaine retenue : le haut du corps est légèrement projeté vers l’arrière, alors qu’il n’y a que sa main qui approche celle du vendeur.

Séquence 4

Le corps de la jeune femme revient dans sa position initiale et la tête est légèrement projetée vers l’avant pour accueillir la cuillère.

Au marché public

Vendre, convaincre, déguster

La séquence de dégustation présentée ici révèle à la fois le rôle social du vendeur et du consommateur. Elle installe définitivement le vendeur et la consommatrice dans leurs rôles sociaux respectifs. Au Marché Public du Vieux-Port de Québec (démoli en 2019), deux types de clients fréquentaient les lieux, pour la simple raison qu’il y avait…