Fin de vie

Dans la présente démarche photographique, il est tout d’abord question de rendre compte de la représentation qu’ont bien voulu leur donner les artistes qui ont contribué à cette performance, c’est-à-dire celle de la capacité de se déplacer par soi-même et comment cette capacité évolue à travers le temps.

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La création artistique autour de la mort est immense, sans limite dans toutes les cultures et religions : tombes, mausolées, sculptures, peintures, monuments funéraires, performances artistiques, petits objets de toutes sortes qui s’y rapportent et aussi de mémoire et qui, à leur tour, symbolisent la brièveté de la vie, le passage du temps. Malgré cela, il ne s’agit pas d’espaces architecturaux et d’œuvres d’art que le public évite ; au contraire, ils sont bel et bien visités.

Tenue à Québec en 2017, la performance artistique Où tu vas quand tu dors en marchant ? abordait, entre autres, le thème du passage vers la mort. En fait, depuis des siècles, la mort et l’art sont liés, ce dernier servant de représentation qui exprime, entre autres, le passage à travers les différentes étapes de la vie qui se solde inéluctablement par la mort. Il en résulte un univers de manifestations que l’on pourrait bien appeler l’art de la mort. Toutefois, la personne en deuil est rarement le protagoniste de la représentation de la fin de vie, et la prestation offerte par Où tu vas quand tu dors en marchant ? n’échappe pas à ce genre de consensus non dit.

De même que les peintures prennent leur sens dans un monde de peintres, de collectionneurs, de critiques et de conservateurs, les photographies prennent leur sens de la manière dont les personnes qui les utilisent les comprennent, les utilisent et leur attribuent ainsi un sens. Pour le sociologue, les photographies ont une signification particulière qui renvoie forcément à ce qui fait société, ce qui rassemble, ce qui définit des champs particuliers de comportements.

© Texte : Pierre Fraser (PhD), 2018
© Photos : Pierre Fraser (PhD), 2017

quand la mobilité se réduit…

quand la fin approche…

quand la fin est honorée…

quand la fin est chantée…

En attente d’une bordée de neige aux abords du fleuve

Comme tous les objets culturels, les photographies tirent leur signification de leur contexte. «Même les peintures ou les sculptures, qui semblent exister de manière isolée, accrochées au mur d’un musée, tirent leur signification d’un contexte composé de ce qui a été écrit à leur sujet, soit dans l’étiquette accrochée à côté d’elles, soit ailleurs, d’autres objets visuels, physiquement présents ou simplement présents dans la conscience de ceux qui regardent, et des discussions qui se déroulent autour d’elles et du sujet sur lequel portent les œuvres. Si nous pensons qu’il n’y a pas de contexte, cela signifie seulement que l’auteur de l’œuvre a intelligemment profité de notre volonté de fournir le contexte par nous-mêmes1

Que représente pour vous cette photo ? Un ancien moyen de transport que l’on attelait à un cheval en hiver ? Un artefact décoratif issu du milieu rural ? Peu importe la réponse, la signification donnée à cette photo est intimement liée aux connaissances historiques que l’on peut avoir à propos d’une époque révolue et de la fonction de cet objet.

En fait, une photo, quelle qu’elle soit, est une construction iconique, ce qui signifie qu’elle est invariablement une représentation encadrée de quelque chose de significatif que quelqu’un a créé dans un but précis à un moment donné. Ainsi, non seulement les photos ont une histoire et un sens, mais elles ont aussi souvent une carrière, voyageant d’un contexte à un autre, avec des significations radicalement différentes qui leur sont attribuées en cours de route au fil du temps.

© Texte : Pierre Fraser (PhD), 2022
© Photo : Pierre Fraser (8 octobre 2017), Isle-aux-Coudres (Charlevoix, Québec),
    derrière le «Motel écumé par la mer».

[1] Becker, Howard S. (1995) «Visual sociology, documentary photography, and photojournalism: It’s (almost) all a matter of context», Visual Studies, vol. 10, n° 1, p. 5.

Du foie gras au macaroni

Du moment que la classe moyenne adopte certains types aliments, ils perdent ainsi le caractère de différenciation de classe, ce qui fait que les élites recherchent un nouveau raffinement qui les distingue des classes sociales qui leurs sont inférieures. (© Photo : Pierre Fraser)

Les différences alimentaires sont avant tout des différences de classe sociale et que les goûts sont façonnés par la culture et contrôlés par la société. (© Photo : Pierre Fraser)

Les normes alimentaires sont socialement produites et internalisées et passent ainsi de la sphère sociale à la sphère du sujet. À ce titre, les repères visuels de cette photo soigneusement mis en scène, renvoient à une alimentation à l’aune de la santé qui ciblent les classes sociales plus favorisées. (© Photo : Min Che)

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Vignaux Georges (2017), «Du foie gras au macaroni», Plan rapproché, vol. 1, n° 2, Québec : Éditions Photo|Société.

DU FOIE GRAS AU MACARONI, c’est aussi la métaphore de se nourrir en tant que pauvre ou nanti. Le foie gras au torchon est un aliment élitiste, aliment de foodie et de distinction sociale disponible dans les boutiques spécialisées pendant la période du temps des fêtes au Québec, tandis que le macaroni, nourriture de tous les jours, nourriture d’indistinction sociale, est particulièrement disponible dans les banques alimentaires. Toutefois, les deux photos de gauche pointent aussi des tendances prenant forme d’images et de métaphores. Certes, il existe des symboles liés au luxe dont fait partie le foie gras, mais certains de ceux-ci sont des produits de luxe ritualisés dans un contexte social festif, la période de Noël.

Par exemple, il suffit de parler à un Gascon, qui vous confirmera sans équivoque que le foie gras c’est à Noël, parce que les oies ont été gavées à cette époque, et que c’est un produit du terroir dans lequel se reconnaît une communauté culturelle. Donc, si le foie gras est commun dans le Sud-Ouest de la France, il est luxueux à Paris ou à l’étranger. Ainsi, le foie gras n’est pas le signe du riche, mais plutôt le signe de la tendance vers la « distinction » au sens de Bourdieu, c’est-à-dire que ça fait chic, que c’est exceptionnel, tandis que le macaroni c’est tous les jours.

Les pratiques alimentaires ne sont pas seulement des comportements ou des habitudes, mais aussi et surtout des pratiques sociales ayant une dimension imaginaire, symbolique et sociale claire. Ainsi, les pratiques alimentaires ne sont pas seulement des comportements ou des habitudes, car en cela les humains ne se différencient pas du reste de l’espèce, mais aussi et surtout, ce sont des pratiques sociales, et pour cette raison elles impliquent une dimension imaginaire, symbolique et sociale.

Dans son ouvrage La distinction, critique sociale du jugement[1], Pierre Bourdieu avance l’idée que les gens choisissent en fonction de leurs préférences, que celles-ci sont prévisibles, pour autant que l’on connaisse leur milieu social de provenance, mettant ainsi en évidence l’origine sociale du goût et la forte concurrence entre les groupes sociaux pour l’affirmation de la distinction sociale. En explorant les caractéristiques différenciées du régime bourgeois et du régime populaire, Bourdieu parvient à postuler que les différences alimentaires sont avant tout des différences de classe sociale et que les goûts sont façonnés par la culture et contrôlés par la société.

Pour sa part, Norbert Elias, dans son ouvrage Sur le processus de civilisation[2], présente une piste fort intéressante : les changements se produisent sur le long terme et certains de ces changements persistent — les ustensiles de cuisine utilisées au XVIIIe siècle sont encore utilisées. En étudiant les manières de table des classes supérieures de différentes époques, il a pu en conclure qu’il ne s’agit pas d’un changement dans une seule direction, car il existe un comportement d’imitation des élites qui, en plus de modifier le comportement de ceux qui les imitent, modifie celui des couches qui sont imitées dans un processus de différenciation progressive.

Par exemple, les manières de la classe moyenne sont modifiées et elles perdent ainsi le caractère de différenciation de classe, ce qui fait que les élites recherchent un nouveau raffinement qui les distingue des classes sociales inférieures. Pour Elias, les problèmes de changement alimentaire nécessitent une analyse des changements dans le processus de civilisation, car l’expérience historique clarifie la signification de certaines règles, tant les exigences que les interdictions, tant des habitudes de table que dans la sélection des produits. En fait, ce que met en lumière Elias, c’est comment les normes alimentaires sont produites et internalisées, comment elles passent de la sphère sociale à la sphère du sujet.

En ce qui concerne les travaux des sociologues plus classiques, l’attention s’est portée de préférence sur les aspects productifs, en utilisant l’alimentation comme moyen efficace d’apprentissage d’autres manifestations sociales : inégalité, pouvoir, religion, etc. Si la sociologie de l’alimentation a souvent été identifiée à une sociologie de la consommation alimentaire, en même temps, et sans guère de lien avec la sociologie de la consommation, s’est développé une sociologie des systèmes alimentaires qui trouve son origine dans l’économie et dans la sociologie agricole, en particulier dans les études agro-alimentaires — une ligne centrée surtout sur la production mais qui s’oriente vers le monde de la consommation.

L’un des défis actuels de la sociologie de l’alimentation est-il d’articuler les deux aspects, production et consommation, dans les mêmes cadres théoriques ? De là, la sociologie photographique peut-elle contribuer à articuler ses deux aspects ? Autrement, le cadre de Bourdieu et celui d’Elias sont-ils plus appropriés pour un travail de sociologie photographique portant sur la distinction sociale en matière d’alimentation ? La question reste ouverte.


[1] Bourdieu, P. (1979), La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris : Éditions de minuit.
[2] Elias, N. (1989), La civilisation des mœurs, Paris : Pocket.

Le chapelet Bluetooth

Produite par GadgeTech Inc, la croix intelligente est posée sur un bracelet composé de dix perles noires en agate et hématite et est livrée dans une boîte emballée ressemblant à s’y méprendre à une bible.

© Images : Réseau mondial de prière du pape
© Texte de Luiki Alonso et Pierre Fraser (2022)

Cette fois-ci, la réalité virtuelle et la technologie ont rencontré l’Église catholique. Parce que la réalité dépasse souvent la fiction, un certain rêve s’est matérialisé pour les catholiques pratiquants et qui a précisément tout à voir avec la foi. Pour en faire la promotion, le Saint-Siège a transmis ce message à ses fidèles : «Destiné aux frontières périphériques du monde numérique où vivent les jeunes, l’eRosaire Click To Pray sert de pédagogie technologique pour apprendre aux jeunes à prier pour la paix et à s’instruire par l’Évangile».

Lancé par le Réseau mondial de prière du pape, ce chapelet intelligent permet aux utilisateurs de suivre la progression de chaque prière et leur fournit un guide de prière audio via l’application. En ce sens, le eRosaire renvoie bel et bien aux quatre fonctions d’un repère visuel :

  • signaler en vue de l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions ;
  • localiser d’autres repères visuels qui doivent déclencher une action (le repère visuel est élément de réseau) ;
  • confirmer qu’un individu est au bon endroit (positionnement précis sur un territoire) ;
  • combler certaines attentes (art, commerce, divertissement, finance, spiritualité, etc.).

Pour activer l’eRosaire, qui coûte environ 99 euros, les utilisateurs font le signe de la croix sur l’interface tactile et, une fois activé, peuvent choisir entre des prières standard ou à thème, qui sont mises à jour tout au long de l’année en fonction des fêtes religieuses. On remarquera donc que le eRosaire remplit tout à fait trois des quatre propriétés d’un repère visuel, à savoir :

  • distinctivité : il ne peut être confondu avec un autre repère visuel ;
  • visibilité : caractéristiques morphologiques ;
  • pertinence : ce à quoi il sert.

Et en ce sens, l’application suit les progrès du croyant dans ses prières et enregistre son activité. En outre, le chapelet intelligent suit également les données relatives à la santé, comme le nombre de pas effectués par l’utilisateur, afin d’encourager les fidèles à prendre soin de la santé du corps comme de l’âme.

À l’instar des sportifs qui sont fidèles à leur religion santéiste et possèdent des montres qui comptent les calories qu’ils perdent ou le nombres de pas qu’ils font chaque jour, le pape et le Vatican ont lancé le eRosary Click to Pray, un bracelet Bluetooth portable doté d’une interface en forme de crucifix qui suit le nombre de prières de l’utilisateur et se synchronise avec une application pour téléphone portable.

Google Watch ou l’encapsulation des valeurs sociales d’une époque

Google Watch

© Google, 2022

Le corps transparent renvoie au corps mesuré, jaugé, chiffré dans tous ses aspects et fonctions. Un corps en activité se localise dans un milieu donné dans une condition métabolique donnée. L’activité du corps, c’est son historique d’activité : emploi, déplacements, loisirs, sommeil, pratiques alimentaires, exercices. La localisation du corps renvoie à son milieu socioéconomique : milieu de vie, niveau de revenu, niveau de scolarité. L’état métabolique du corps renvoie à l’ensemble des réactions chimiques qui se déroulent au sein du corps pour le maintenir en vie : ces réactions chimiques sont non seulement mesurables, mais permettent aussi d’identifier les organes susceptibles de modifier l’équilibre chimique optimal du corps. En somme, le corps transparent est le corps obligé des technologies numériques.

Environnementalisme, autonomisation de soi, construction de soi, flexibilité et performance

Bien que la Google Watch soit la dernière des montres connectées à arriver sur le marché, elle embarque non seulement les mêmes technologies que toutes les autres montres connectées, mais franchit en même temps un pas en embarquant les valeurs sociales de notre époque. En cette ère de connectivité tous azimuts où la technologie subsume le social, où la technologie devient ni plus ni moins qu’une plateforme d’ingénierie sociale, cette nouvelle montre agit sur notre inscription en société.

Environnement, dans le sens où Google annonce d’emblée que le boîtier est confectionné à partir d’acier recyclé, que la vie de la pile est prolongée parce que le processus de suivi de la fréquence cardiaque a été modifié de sorte qu’il repose uniquement sur le coprocesseur de la puce, qui consomme beaucoup moins de la charge de la batterie que le processeur principal.

Autonomisation de soi, dans le sens où donner la possibilité à l’individu de monitorer sa propre condition métabolique et physiologique, c’est aussi le rendre de plus en autonome par rapport à lui-même. En fait, depuis 1985, la tendance est à une augmentation de l’autonomisation de l’individu, c’est-à-dire à l’augmentation de la charge des capacités individuelles pour faire face à l’emprise des mécanismes du marché à l’ensemble de la vie a graduellement amené l’individu à devenir de plus en plus autonome, le rendre libertarien malgré lui.

Construction de soi, dans le sens où dans une société abandonnée à la prédation du capital, de la finance, de l’économie et de l’Ordre marchand, où la précarité du travail devient de plus en plus une condition inévitable, devenir l’architecte de sa vie, maître de son destin et entrepreneur de soi-même est forcément un impératif.

Performance, dans le sens où l’individu qui a la capacité d’améliorer sa propre condition physique en la monitorant à partir d’une simple montre attachée à son bras devient forcément un individu en mesure d’être non seulement plus performant sur le plan physique, mais aussi de le devenir sur le plan intellectuel.

Flexibilité, dans le sens où la mondialisation du capitalisme, dans sa logique du juste à temps, a exigé des individus de plus en plus flexibles en mesure de s’adapter aux heures de travail de plus en plus décalées, des individus de plus en plus enserrés dans les milliers de fils invisibles de la communication qui les relient constamment au travail. L’individu, attaché à ces milliers de fils invisibles qui le lient constamment à une tâche quelconque, effacent toute coupure entre travail et loisir, luttent contre le temps mort, la vacuité et l’inoccupation, l’obligent à être constamment en besogne, à s’assurer d’une activité continue et sans répit.

Montre connectée, dans le sens où cette dernière est le prix à payer pour être constamment connecté non seulement au travail, aux loisirs, à la culture et à l’économie, mais aussi être connectée à son corps pour le rendre dicible et transparent, ce corps obligé des technologies numériques.

© Pierre Fraser (PhD), sociologue, 2022

Le devoir écologique

Cinq devoirs pour sauver la planète

Le programme environnementaliste suggère que chaque citoyen conscientisé à la sauvegarde de la planète doit se soumettre à cinq devoirs écologiques bien précis  : devoir d’équilibre, devoir d’attention, devoir d’effort, devoir de maîtrise et de restriction, devoir de gouvernance de soi.

Pour ce faire, la mouvance environnementaliste mobilise tout un appareil de repères visuels susceptible d’amener le citoyen à s’impliquer. Les couleurs verte pour la forêt, poumon de la planète, et le bleu pour l’eau, source de toute vie.

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Fraser, P. (2019), L’écologisme ou le succès d’une idéologie politique, Montréal : Éditions Liber, pp. 48-52.

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S’informer, écouter les conseils d’experts en environnement, c’est aussi participer activement à son propre devoir d’équilibre écologique.

Devoir 1
devoir d’équilibre écologique

Devoir d’équilibre écologique, dans le sens où il est attendu du citoyen qu’il parvienne à trouver le juste équilibre entre sa consommation et l’impact négatif ou positif de celle-ci sur l’environnement, et ce, afin d’assumer adéquatement et efficacement le rôle social qu’il a à jouer en tant qu’individu qui a à cœur de sauver la planète. Par exemple, s’il prend l’avion pour ses déplacements, il lui sera suggéré de compenser ses émissions de gaz à effet de serre en achetant des arbres à planter, qui eux, séquestreront le carbone à la hauteur équivalente de ce qui a été émis. Autrement, s’impliquer dans son propre quartier pour planter des arbres et augmenter la canopée urbain, c’est reconnaître les bienfaits de l’arbre en milieu urbain.

Le but du devoir d’attention écologique est donc d’amener l’individu à être vigilant et à devenir de plus en plus responsable tout en se questionnant sur l’ensemble de ses habitudes actuelles, afin de les changer pour tendre vers une consommation durable, et ainsi, parvenir à une société zéro-déchet et zéro-gaspillage. Comme le signale la photo ci-dessus, le gaspillage affecte globalement la planète et particulièrement les pays moins favorisés.

Devoir # 2
devoir d’attention écologique

Devoir d’attention écologique, dans le sens où le citoyen doit porter une attention toute particulière à ce qu’il consomme et à tout ce qu’il rejette dans l’environnement. C’est ce que les écologistes appellent la prise de conscience environnementale. Par exemple, du moment qu’un individu vivant dans un pays nordique se rend compte que consommer des fraises en hiver qui proviennent de la Californie accroît de plusieurs degrés l’émission de gaz à effet de serre par le seul fait de leur transport, il lui sera suggéré d’acheter plutôt des fraises locales lorsque la saison sera venue. Ici, c’est toute la mouvance dite de proximité qui est convoquée. Autrement, on lui suggérera de tendre vers une consommation zéro-déchet, car le meilleur déchet n’est-il pas celui qu’on ne produit pas ?

Réduire les déplacements qui émettent des gaz à effet de serre, instaurer une loterie nationale distribuant au plus 500 000 déplacements en avion par an fait partie intrinsèque du devoir d’effort écologique.

Devoir # 3
devoir d’effort écologique

Devoir d’effort écologique, dans le sens où le citoyen doit adopter certaines attitudes, pratiques et comportements pour s’assurer de vivre dans un environnement aussi sain que possible afin d’en éviter sa dégradation. L’effort, ici, doit se traduire par des gestes concrets : recycler, réparer, réutiliser, composter, ne plus vendre de véhicules neufs destiné à un usage particulier, ne plus utiliser de pesticides chimiques, utiliser des produits ménagers biologiques, manger bio, encourager les producteurs locaux et la consommation de proximité, réduire sa consommation, et idéalement, devenir végétarien, végétalien ou végan, faire passer la consommation de viande par personne de 90 kg à 25 kg par an, ne pas utiliser de couches jetables pour bébé, limiter l’achat de vêtements neufs à 1 kg par an et par personne, instaurer un couvre-feu thermique dans les habitations de l’ordre de 17°C entre 22 h et 6 h, s’opposer à tous projets publics susceptibles de porter atteinte à l’environnement, militer pour la cause environnementale, se reproduire le moins possible, devenir écoanxieux comme puisse l’être Greta Thünberg, etc.

Devoir # 4
devoir de maîtrise et de restriction

Devoir de maîtrise et de restriction écologique, dans le sens où le citoyen doit éviter de succomber à la tentation des plaisirs et des facilités qu’offre la vie moderne tout en adoptant des attitudes et des comportements qui empêchent de sombrer dans l’excès de consommation sous toutes ses formes. Une forme d’ascèse en quelque sorte pour le plus grand bien de tous.

Conséquemment, une gouvernance de soi et une contenance de soi correctement conduites, et qui forment le gouvernement de soi, sont en quelque sorte garante de l’ordre social et de l’équilibre entre le collectif et la nature. Et c’est bien d’un nouvel ordre social dont sont porteurs les écologistes, à savoir, l’ordonnancement équilibré des enjeux qui régulent la relation que le collectif doit entretenir avec la nature (environnement).
Licence Creative Commons
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Devoir # 5
devoir de gouvernance de soi

La gouvernance de soi écologique, pour le citoyen soucieux de son environnement, renvoie donc à la capacité de ce dernier à établir un juste rapport entre la collectivité et la nature. Cette saine gouvernance de soi n’est rendue possible qu’à la condition expresse de mettre en pratique de façon efficace les quatre devoirs imposés par la contenance de soi, c’est-à-dire que la pratique de ces devoirs forme un ensemble de contrôles positifs qui permettent le gouvernement de soi. La contenance de soi est donc au cœur même de l’exercice de la gouvernance de soi et de la pratique environnementale. Elle a tout à voir avec le lien social, au moi en compagnie, à l’individu en société, au lien avec l’autre et l’environnement : elle est cette capacité au self-control environnemental. Autrement dit, une fois les quatre devoirs de contenance de soi correctement accomplis, qui permettent d’établir un juste rapport à soi-même et à l’environnement, il est dès lors possible d’établir un juste rapport avec le collectif et le monde en général. Plus spécifiquement, la contenance de soi est la condition sine qua non à la gouvernance de soi.

Articles récents

Sirène aux abords du fleuve Saint-Laurent

Sirène aux abords du fleuve Saint-Laurent

Art en contexte, sculpture intégrée dans son milieu, immensité du fleuve Saint-Laurent, l’Île-aux-coudres réserve des joyaux visuels à qui sait les repérer.

Cette sirène, à gauche de la photo, installée sur un terrain privé longeant le Chemin de la Bourroche, invite à plonger dans l’immensité du fleuve. Photo prise le 30 mai 2016, en début de soirée après un orage, le soleil transperce les nuages, découpe en contrejour la silhouette de la sirène, augmentant d’autant l’effet esthétique de cette composition photographique.

© Pierre Fraser, 2016 / texte et photo

© Pierre Fraser, 2016

Le chien assis à la table

SOCIOLOGIE VISUELLE

au bistro un dimanche matin

Et c’est là où le chien assis à la table permet de mettre en image une situation sociale contrastée où la mixité sociale devient de plus en plus conflictuelle. Pour rappel, une situation sociale contrastée, dans le monde de la sociologie visuelle, renvoie à l’idée d’un moment photographique particulier où les différences entre classes sociales se manifestent de façon évidente, et ce montage photographique en rend compte.

Contraste social en devenir (1)

© Pierre Fraser

Situation sociale contrastée (2)

© Pierre Fraser

Le quartier Saint-Roch de la ville de Québec est un quartier en processus d’embourgeoisement depuis une quinzaine d’années. La mixité sociale, où la favorisation et la défavorisation sociale et matérielle se côtoient au quotidien, y a donc toujours été présente. Toutefois, depuis le déménagement dans ce quartier, en 2021, de la résidence Lauberivière pour personnes sans-abris, cette mixité est désormais au cœur de différentes préoccupations de la part de la population mieux nantie.

Alors que je déambulais sur la rue Saint-Joseph, ce qui m’a tout d’abord interpellé, c’était cet insolite en contexte, à savoir un chien assis à une table de bistro en compagnie de sa maîtresse. Toutefois, j’ai rapidement réalisé qu’une situation sociale contrastée allait se manifester (photo 1), alors qu’un habitant défavorisé du quartier s’avançait dans ma direction.

Du moment où l’homme dépassait le chien et sa maîtresse, j’ai capté ce moment où la rencontre de classes sociales différentes a lieu, alors que le chien me regarde, que l’homme passe son chemin sans se préoccuper du chien assis à la table, et que la propriétaire du chien jette un coup d’œil furtif à cet homme qui poursuit son chemin (photo 2).

Il va sans dire qu’une photographie n’est jamais tout à fait objective et qu’elle est aussi subjective, Objective, dans le sens où elle saisit la réalité objective d’un moment particulier, car elle encapsule un temps et un lieu, tout comme les valeurs culturelles et socioéconomiques d’une époque précise. Subjective, dans le sens où elle est le résultat d’un cadrage effectué par le photographe, car tout cadrage reflète forcément un choix délibéré en fonction du sujet traité.

Autrement, étant donné que la sociologie n’a pas à juger du «positif» ou du «négatif» d’un phénomène social, mais d’en expliquer ses rouages, il en va de même avec la sociologie visuelle, à la différence près qu’elle montre ces mécanismes à l’œuvre derrière un phénomène social précis.

© Pierre Fraser (PhD) / texte et photo, 2022