Le télétravail et ses repères visuels

Si l’ergonomie fait référence à la manière dont le bureau à domicile et le mobilier à installer sont conçus afin de garantir la santé physique et mentale des personnes, réduisant ainsi les risques et les blessures possibles, il va sans dire que la première étape pour obtenir un bureau à domicile ergonomique est vraisemblablement d’opter pour des meubles qui permettent une posture correcte, facilitant ainsi le repos du corps pendant les heures passées à travailler en position assise, tout en offrant une liberté de mouvement et des changements posturaux confortables et fluides qui favorisent le bien-être des personnes.

Adopter les comportements appropriés en matière de télétravail, d’où l’idée d’une bonne chaise ergonomique afin d’augmenter l’efficacité et la productivité. (© Photo : Actiu, Trim azul aluminio)

Avec l’introduction et la généralisation du télétravail, de nombreuses personnes passent leur journée de travail dans leur bureau à domicile. Mais « comment obtenir le bureau à domicile idéal, qui devient un espace de travail efficace et qui s’adapte aux dimensions et aux caractéristiques du logement ? Si l’ergonomie fait référence à la manière dont le bureau à domicile et le mobilier à installer sont conçus afin de garantir la santé physique et mentale des personnes, réduisant ainsi les risques et les blessures possibles, il va sans dire que la première étape pour obtenir un bureau à domicile ergonomique est vraisemblablement d’opter pour des meubles qui permettent une posture correcte, facilitant ainsi le repos du corps pendant les heures passées à travailler en position assise, tout en offrant une liberté de mouvement et des changements posturaux confortables et fluides qui favorisent le bien-être des personnes1. » On reconnaît donc là tous les lieux communs liés à la notion d’ergonomie et de télétravail. Du point de vue de la sociologie visuelle, on reconnaît également là les 4 fonctions d’un repère visuel, à savoir :

  • signaler en vue de l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions ; dans le cas présent, il est essentiel de prendre en considération le nombre d’heures par jour que nous passons assis sur notre chaise de bureau à domicile, donc de l’éventuelle nécessité d’investir dans une chaise ergonomique ;
  • localiser d’autres repères qui doivent déclencher une action (le repère est élément de réseau), c’est-à-dire, dans un contexte de télétravail, s’ajoutent les risques liés à une mauvaise posture : un dos voûté ou des points de pression localisés en position assise peuvent entraîner de graves problèmes de santé à moyen ou long terme ;
  • confirmer qu’un individu adopte les comportements appropriés, et c’est pourquoi il serait essentiel d’investir dans une bonne chaise de bureau ergonomique ;
  • combler certaines attentes, c’est-à-dire que, dans un tel cas de figure, la prise en compte de l’ergonomie dans le bureau à domicile n’apporte pas seulement des bénéfices pour la santé à moyen et long terme, car l’accent mis sur le confort et l’ergonomie de l’espace de travail à domicile améliore et prolonge le temps de concentration et réduit les interruptions et les distractions dues aux déplacements et aux repositionnements.

Autrement dit, l’ensemble des 4 fonctions des repères visuels liés à une chaise ergonomique doivent avant tout répondre à des objectifs d’efficacité et de productivité, les maîtres-mots d’un monde du travail en constante mutation. On dira donc, du point de vue de la sociologie visuelle, que les repères visuels de l’ergonomie dans un bureau visent non seulement à proposer d’améliorer la qualité de la vie professionnelle des personnes (en leur apportant confort et sécurité et en améliorant l’environnement de travail, tant dans les équipes de bureaux ouverts que dans le cadre du télétravail), mais visent aussi à faire en sorte que le travailleur, en voyant une chaise ergonomique, sache qu’il se trouvera dans un environnement idéal et bien équipé, avec tous les éléments pour profiter d’une journée de travail où la santé et le bien-être seront pris en charge ; conséquemment, l’efficacité et les performances augmenteront inévitablement. C’est bien ce à quoi prétendent les repères visuels d’une bonne chaise ergonomique.

Référence
1 Actiu (2022, 9 août), ¿Por qué es importante la ergonomía en la oficina en casa?.

Un monde du travail en mutation

Un monde du travail en mutation (documentaire)

Nouvelles logiques de marché, mondialisation accrue, changements technologiques, nouvelles pratiques managériales, transformations des attitudes de la main d’œuvre à l’égard du travail. PRODUCTION INTERVENANTS Un monde du travail en mutation Transformations de la main d’œuvre

Les transformations contemporaines du rapport au travail (colloque)

Les conditions économiques et culturelles qui façonnent les attitudes et les comportements au travail, de même que la place et le sens que revêt celui-ci chez les individus, se sont profondément transformées. PRODUCTION Un monde du travail en mutation Transformations de la main d’œuvre

Plateformes de partage, la dimension cachée du travail

Les plateformes s’affichent comme des intermédiaires neutres, mais elles dissimulent des structures hiérarchiques et des liens de subordination plus importants qu’on ne pourrait le croire. PRODUCTION INTERVENANT Un monde du travail en mutation Transformations de la main d’œuvre

Libéralisation des services

Le secteur des services n’échappe pas à la libéralisation, où l’évaluation du rendement s’infiltre de plus en plus. PRODUCTION INTERVENANTS Un monde du travail en mutation Transformations de la main d’œuvre

Libéralisation des marchés

Flexibilité, évaluation du rendement, performance, nouveaux types de relation au travail. PRODUCTION INTERVENANTS Un monde du travail en mutation Transformations de la main d’œuvre

Nouvelles pratiques managériales

De nouvelles pratiques managériales se sont implantées qui renvoient vers l’employé sa propre autonomisation. PRODUCTION INTERVENANTS Un monde du travail en mutation Transformations de la main d’œuvre

Comment la photographie peut-elle rendre compte des réalités sociales ?

La photo que je prends aujourd’hui a-t-elle une quelconque valeur du point de vue sociologique, c’est-à-dire sa capacité à rendre compte d’une quelconque réalité sociale ? Par définition, la majorité des photos que nous prenons en contexte social ont une valeur sociologique. Par exemple, une photo prise il y a quelques années ou quelques décennies peut révéler beaucoup sur le contexte social d’une certaine époque. Une fête familiale, un événement sportif, culturel, religieux ou autre, nous renseigne sur la nature des interactions sociales, les normes culturelles, les relations de pouvoir, la façon dont les gens communiquent à travers leurs postures vestimentaires ou corporelles, etc. La photographie peut également être utilisée pour étudier la construction de l’identité, thème cher à notre époque où la fluidité corporelle dissocie le genre des organes génitaux donnés à la naissance.

On peut donc dire que la sociologie visuelle vise avant tout à accroître le pouvoir analytique des données visuelles par un engagement critique avec les pratiques visuelles de la vie quotidienne. De cette façon, la sociologie visuelle est l’application de méthodes visuelles à la recherche et à l’enquête sociologiques. Ce faisant, les sociologues intéressés par la dimension visuelle s’efforcent de créer de nouvelles façons d’enquêter sur la vie sociale et de développer de nouvelles propositions théoriques. En ce sens La sociologie visuelle concerne la construction d’images pour expliquer les phénomènes sociaux. Il s’agit d’un domaine relativement nouveau de la sociologie qui utilise des photographies et d’autres images pour étudier et expliquer les tendances sociales, les comportements et les idées.

Ainsi, la première photo de gauche, prise dans un marché public, révèle en partie l’appartenance à une certaine classe sociale de cette personne qui examine un sachet de chocolat de 250 gr. valant au bas mot 7,50 $. Elle a la possibilité de choisir ce qu’elle désire acheter. À l’inverse, la seconde photo, prise dans une banque alimentaire, révèle l’appartenance à une classe sociale moins nantie, où il n’est pas question de choisir ce que l’on veut acheter, mais bien de choisir ce qui est rendu gratuitement disponible par ceux qui ont récolté de la nourriture auprès d’épiceries ou de supermarchés.

En somme, la photographie nous aide à comprendre comment le visuel peut façonner nos perceptions du monde.

© Pierre Fraser (PhD), texte et photos, 2022

En attente d’une bordée de neige aux abords du fleuve

Comme tous les objets culturels, les photographies tirent leur signification de leur contexte. «Même les peintures ou les sculptures, qui semblent exister de manière isolée, accrochées au mur d’un musée, tirent leur signification d’un contexte composé de ce qui a été écrit à leur sujet, soit dans l’étiquette accrochée à côté d’elles, soit ailleurs, d’autres objets visuels, physiquement présents ou simplement présents dans la conscience de ceux qui regardent, et des discussions qui se déroulent autour d’elles et du sujet sur lequel portent les œuvres. Si nous pensons qu’il n’y a pas de contexte, cela signifie seulement que l’auteur de l’œuvre a intelligemment profité de notre volonté de fournir le contexte par nous-mêmes1

Que représente pour vous cette photo ? Un ancien moyen de transport que l’on attelait à un cheval en hiver ? Un artefact décoratif issu du milieu rural ? Peu importe la réponse, la signification donnée à cette photo est intimement liée aux connaissances historiques que l’on peut avoir à propos d’une époque révolue et de la fonction de cet objet.

En fait, une photo, quelle qu’elle soit, est une construction iconique, ce qui signifie qu’elle est invariablement une représentation encadrée de quelque chose de significatif que quelqu’un a créé dans un but précis à un moment donné. Ainsi, non seulement les photos ont une histoire et un sens, mais elles ont aussi souvent une carrière, voyageant d’un contexte à un autre, avec des significations radicalement différentes qui leur sont attribuées en cours de route au fil du temps.

© Texte : Pierre Fraser (PhD), 2022
© Photo : Pierre Fraser (8 octobre 2017), Isle-aux-Coudres (Charlevoix, Québec),
    derrière le «Motel écumé par la mer».

[1] Becker, Howard S. (1995) «Visual sociology, documentary photography, and photojournalism: It’s (almost) all a matter of context», Visual Studies, vol. 10, n° 1, p. 5.

Du foie gras au macaroni

Du moment que la classe moyenne adopte certains types aliments, ils perdent ainsi le caractère de différenciation de classe, ce qui fait que les élites recherchent un nouveau raffinement qui les distingue des classes sociales qui leurs sont inférieures. (© Photo : Pierre Fraser)

Les différences alimentaires sont avant tout des différences de classe sociale et que les goûts sont façonnés par la culture et contrôlés par la société. (© Photo : Pierre Fraser)

Les normes alimentaires sont socialement produites et internalisées et passent ainsi de la sphère sociale à la sphère du sujet. À ce titre, les repères visuels de cette photo soigneusement mis en scène, renvoient à une alimentation à l’aune de la santé qui ciblent les classes sociales plus favorisées. (© Photo : Min Che)

Citer cet article
Vignaux Georges (2017), «Du foie gras au macaroni», Plan rapproché, vol. 1, n° 2, Québec : Éditions Photo|Société.

DU FOIE GRAS AU MACARONI, c’est aussi la métaphore de se nourrir en tant que pauvre ou nanti. Le foie gras au torchon est un aliment élitiste, aliment de foodie et de distinction sociale disponible dans les boutiques spécialisées pendant la période du temps des fêtes au Québec, tandis que le macaroni, nourriture de tous les jours, nourriture d’indistinction sociale, est particulièrement disponible dans les banques alimentaires. Toutefois, les deux photos de gauche pointent aussi des tendances prenant forme d’images et de métaphores. Certes, il existe des symboles liés au luxe dont fait partie le foie gras, mais certains de ceux-ci sont des produits de luxe ritualisés dans un contexte social festif, la période de Noël.

Par exemple, il suffit de parler à un Gascon, qui vous confirmera sans équivoque que le foie gras c’est à Noël, parce que les oies ont été gavées à cette époque, et que c’est un produit du terroir dans lequel se reconnaît une communauté culturelle. Donc, si le foie gras est commun dans le Sud-Ouest de la France, il est luxueux à Paris ou à l’étranger. Ainsi, le foie gras n’est pas le signe du riche, mais plutôt le signe de la tendance vers la « distinction » au sens de Bourdieu, c’est-à-dire que ça fait chic, que c’est exceptionnel, tandis que le macaroni c’est tous les jours.

Les pratiques alimentaires ne sont pas seulement des comportements ou des habitudes, mais aussi et surtout des pratiques sociales ayant une dimension imaginaire, symbolique et sociale claire. Ainsi, les pratiques alimentaires ne sont pas seulement des comportements ou des habitudes, car en cela les humains ne se différencient pas du reste de l’espèce, mais aussi et surtout, ce sont des pratiques sociales, et pour cette raison elles impliquent une dimension imaginaire, symbolique et sociale.

Dans son ouvrage La distinction, critique sociale du jugement[1], Pierre Bourdieu avance l’idée que les gens choisissent en fonction de leurs préférences, que celles-ci sont prévisibles, pour autant que l’on connaisse leur milieu social de provenance, mettant ainsi en évidence l’origine sociale du goût et la forte concurrence entre les groupes sociaux pour l’affirmation de la distinction sociale. En explorant les caractéristiques différenciées du régime bourgeois et du régime populaire, Bourdieu parvient à postuler que les différences alimentaires sont avant tout des différences de classe sociale et que les goûts sont façonnés par la culture et contrôlés par la société.

Pour sa part, Norbert Elias, dans son ouvrage Sur le processus de civilisation[2], présente une piste fort intéressante : les changements se produisent sur le long terme et certains de ces changements persistent — les ustensiles de cuisine utilisées au XVIIIe siècle sont encore utilisées. En étudiant les manières de table des classes supérieures de différentes époques, il a pu en conclure qu’il ne s’agit pas d’un changement dans une seule direction, car il existe un comportement d’imitation des élites qui, en plus de modifier le comportement de ceux qui les imitent, modifie celui des couches qui sont imitées dans un processus de différenciation progressive.

Par exemple, les manières de la classe moyenne sont modifiées et elles perdent ainsi le caractère de différenciation de classe, ce qui fait que les élites recherchent un nouveau raffinement qui les distingue des classes sociales inférieures. Pour Elias, les problèmes de changement alimentaire nécessitent une analyse des changements dans le processus de civilisation, car l’expérience historique clarifie la signification de certaines règles, tant les exigences que les interdictions, tant des habitudes de table que dans la sélection des produits. En fait, ce que met en lumière Elias, c’est comment les normes alimentaires sont produites et internalisées, comment elles passent de la sphère sociale à la sphère du sujet.

En ce qui concerne les travaux des sociologues plus classiques, l’attention s’est portée de préférence sur les aspects productifs, en utilisant l’alimentation comme moyen efficace d’apprentissage d’autres manifestations sociales : inégalité, pouvoir, religion, etc. Si la sociologie de l’alimentation a souvent été identifiée à une sociologie de la consommation alimentaire, en même temps, et sans guère de lien avec la sociologie de la consommation, s’est développé une sociologie des systèmes alimentaires qui trouve son origine dans l’économie et dans la sociologie agricole, en particulier dans les études agro-alimentaires — une ligne centrée surtout sur la production mais qui s’oriente vers le monde de la consommation.

L’un des défis actuels de la sociologie de l’alimentation est-il d’articuler les deux aspects, production et consommation, dans les mêmes cadres théoriques ? De là, la sociologie photographique peut-elle contribuer à articuler ses deux aspects ? Autrement, le cadre de Bourdieu et celui d’Elias sont-ils plus appropriés pour un travail de sociologie photographique portant sur la distinction sociale en matière d’alimentation ? La question reste ouverte.


[1] Bourdieu, P. (1979), La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris : Éditions de minuit.
[2] Elias, N. (1989), La civilisation des mœurs, Paris : Pocket.

Le chapelet Bluetooth

Produite par GadgeTech Inc, la croix intelligente est posée sur un bracelet composé de dix perles noires en agate et hématite et est livrée dans une boîte emballée ressemblant à s’y méprendre à une bible.

© Images : Réseau mondial de prière du pape
© Texte de Luiki Alonso et Pierre Fraser (2022)

Cette fois-ci, la réalité virtuelle et la technologie ont rencontré l’Église catholique. Parce que la réalité dépasse souvent la fiction, un certain rêve s’est matérialisé pour les catholiques pratiquants et qui a précisément tout à voir avec la foi. Pour en faire la promotion, le Saint-Siège a transmis ce message à ses fidèles : «Destiné aux frontières périphériques du monde numérique où vivent les jeunes, l’eRosaire Click To Pray sert de pédagogie technologique pour apprendre aux jeunes à prier pour la paix et à s’instruire par l’Évangile».

Lancé par le Réseau mondial de prière du pape, ce chapelet intelligent permet aux utilisateurs de suivre la progression de chaque prière et leur fournit un guide de prière audio via l’application. En ce sens, le eRosaire renvoie bel et bien aux quatre fonctions d’un repère visuel :

  • signaler en vue de l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions ;
  • localiser d’autres repères visuels qui doivent déclencher une action (le repère visuel est élément de réseau) ;
  • confirmer qu’un individu est au bon endroit (positionnement précis sur un territoire) ;
  • combler certaines attentes (art, commerce, divertissement, finance, spiritualité, etc.).

Pour activer l’eRosaire, qui coûte environ 99 euros, les utilisateurs font le signe de la croix sur l’interface tactile et, une fois activé, peuvent choisir entre des prières standard ou à thème, qui sont mises à jour tout au long de l’année en fonction des fêtes religieuses. On remarquera donc que le eRosaire remplit tout à fait trois des quatre propriétés d’un repère visuel, à savoir :

  • distinctivité : il ne peut être confondu avec un autre repère visuel ;
  • visibilité : caractéristiques morphologiques ;
  • pertinence : ce à quoi il sert.

Et en ce sens, l’application suit les progrès du croyant dans ses prières et enregistre son activité. En outre, le chapelet intelligent suit également les données relatives à la santé, comme le nombre de pas effectués par l’utilisateur, afin d’encourager les fidèles à prendre soin de la santé du corps comme de l’âme.

À l’instar des sportifs qui sont fidèles à leur religion santéiste et possèdent des montres qui comptent les calories qu’ils perdent ou le nombres de pas qu’ils font chaque jour, le pape et le Vatican ont lancé le eRosary Click to Pray, un bracelet Bluetooth portable doté d’une interface en forme de crucifix qui suit le nombre de prières de l’utilisateur et se synchronise avec une application pour téléphone portable.

Repères visuels

Le repère visuel participe à la normalisation des comportements, conduites, jugements, attitudes, opinions, croyances, et différencie ce qu’il convient de faire par rapport à la norme dominante.
(© Denis Harvey. Date : 4 septembre 2017. Lieu : Baie-Comeau (Côte-Nord), Québec. Matériel : Nikon D7100. Ouverture : f/22. Vitesse : 1/60. ISO : 100. Distance Focale : 90 mm.)

Définition

  • 1. Le repère visuel possède quatre propriétés distinctives : la visibilité (physique, historique, morphologique), la pertinence pour l’action (gare routière, carrefour, centre commercial, etc.), la distinctivité (impossible de le confondre avec un autre), la disponibilité (stabilité relativement pérenne dans son environnement).
  • 2. Le repère visuel possède quatre fonctions précises : signaler en vue de l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions ; localiser d’autres repères visuels qui doivent déclencher une action (le repère visuel est élément de réseau) ; confirmer qu’un individu est au bon endroit (positionnement précis sur un territoire) ; combler certaines attentes (art, commerce, divertissement, finance, spiritualité, etc.).
  • 3. Le repère visuel s’inscrit à l’intérieur de deux dimensions précises : le fonctionnel, c’est-à-dire comment les réseaux travaillent le territoire et réciproquement et comment le territoire sollicite un ou des réseaux, voire hypothétiques ; le cognitif, c’est-à-dire les ancrages (repères) dans la ville, les systèmes de repérage pour le déplacement (parcours), schémas mentaux pour le parcours à pied, en voiture, etc., et qui constituent effectivement des réseaux d’appropriation locale ou globale de l’espace (territoire).
  • 4. Le repère visuel participe à la normalisation des comportements, conduites, jugements, attitudes, opinions, croyances, et différencie ce qu’il convient de faire par rapport à la norme dominante.

Le morphologique d’un repère visuel signale aussi son lien avec la favorisation ou la défavorisation, entre quartiers centraux ou quartiers embourgeoisés, etc. ; le morphologique distingue. (© Pierre Fraser (PhD), 2015)

Les 4 propriétés d’un repère visuel

  • visibilité : caractéristiques morphologiques ;
  • distinctivité : il ne peut le confondre avec un autre ;
  • pertinence : ce à quoi il sert ;
  • disponibilité : stabilité dans l’environnement.

Presque tout, dans notre environnement, est repère visuel. Qu’il s’agisse des objets utilitaires du quotidien, des vêtements, du mobilier urbain, de l’architecture — lieux d’habitation, de culture, de culte, de commerce, de festivités, de production industrielle, de restauration, de santé, de scolarisation, de tourisme —, en passant par les moyens de déplacement et la signalisation qui les accompagnent, jusqu’à la représentation symbolique des missions régaliennes de l’État, tout est visuel.

De l’extérieur, on différencie l’hôpital du palais de justice par sa configuration architecturale. De l’intérieur, le décorum de l’hôpital se différencie totalement de celui du palais de justice : le personnel médical est vêtu de façon à signaler la prestation de soins — sarrau blanc, stéthoscope, masque de procédure — alors que le personnel judiciaire est vêtu de façon à signaler la prestation de prescriptions légales — policiers en uniforme et armés, agents de sécurité en uniforme, avocats et juges portant la toge. Il est impossible de confondre un hôpital avec un palais de justice, tout comme il est impossible de confondre un restaurant avec une quincaillerie. Cette impossibilité de confusion des genres visuels est liée au fait que chaque lieu possède ses propres repères visuels qui sont eux-mêmes liés à des codes visuels spécifiques.

Ces codes visuels sont enchâssés dans la fonction à laquelle ils sont dédié — le morphologique. Par exemple, le cardiomètre ne peut être confondu avec le marteau du juge, ni le pain acheté à l’épicerie avec le flacon d’aspirine — la distinctivité. Alors que la seringue a pour fonction d’injecter un quelconque liquide dans le corps dans le but de délivrer un traitement, la borne de recharge sert à recharger un véhicule électrique — la pertinence. Dans un hôpital on retrouvera tout le matériel médical nécessaire pour dispenser des soins de santé, alors que dans une église on retrouvera tous les objets servant à la dispensation du culte — la disponibilité. En somme, la visibilité d’un repère visuel tient par sa morphologie, sa distinctivité, sa pertinence et sa disponibilité. En ce sens, photographier un milieu de vie, c’est avant tout être en mesure de reconnaître les repères visuels qui le constituent.

En fait, l’environnement urbain et rural est constitué de repères visuels qui tracent des parcours à la fois géographiques et sociaux. Ces parcours s’inscrivent par la suite dans des territoires, eux aussi, à la fois géographiquement et socialement délimités. Par exemple, chaque quartier, qu’il soit favorisé ou défavorisé, possède certains repères visuels qui lui sont propres. Ce qui vaut dans un quartier ne vaut pas nécessairement dans l’autre ; on ne retrouvera pas dans un quartier cossu des murs ou des infrastructures graffités, alors qu’on en retrouvera plusieurs dans les quartiers centraux.

Dans un marché public, le commerçant peut jouer d’ingéniosité pour attirer le client par la présentation de son étal. (Photo Pierre Fraser, 2018)

À la banque alimentaire, les produits sont disposés pêle-mêle sur des tables alignées les unes à la suite des autres — signaler autrement. (Photo Pierre Fraser, 2018)

© Denis Harvey (2017)
© Georges Vignaux (PhD) et Pierre Fraser (PhD), 2016 / texte
© Photos d’articles : Pierre Fraser (2018)
© Vidéo : Pierre Fraser (2021)

Les 4 fonctions d’un repère visuel

  • signaler en vue de l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions ;
  • localiser d’autres repères qui doivent déclencher une action (le repère est élément de réseau) ;
  • confirmer qu’un individu est au bon endroit et/ou qu’il adopte les comportements appropriés ;
  • combler certaines attentes.

Chaque repère visuel signale l’accomplissement d’actions ou suggérant l’opportunité d’actions. Par exemple, fréquenter un supermarché ou un marché public versus une banque alimentaire sont deux expériences fort différentes même si la finalité relève de la même logique : s’alimenter. Aux fins de ma démonstration je mettrai en opposition un marché public (marché du Vieux-Port de Québec) et une banque alimentaire (La Bouchée Généreuse, quartier Limoilou, Québec).

La disposition d’un marché public doit répondre à une seule contrainte : rendre accessibles le plus facilement possible les produits à vendre — signaler, localiser, confirmer. Chaque commerçant dispose dès lors d’un espace qu’il loue, qui lui est attribué et qu’il peut aménager à sa guise, tout en respectant les règles édictées par le propriétaire des lieux. Certains commerçants, un peu plus fortunés, louent des espaces qu’ils configurent un peu comme une boutique, avec une porte d’entrée, d’où parfois l’impression d’être confronté à une consommation structurée et organisé, alors que le client cherche avant tout une « expérience » d’authenticité et de contact direct avec le vendeur et/ou le producteur. La configuration de vente, quant à elle, est classique : un ou des présentoirs sur lesquels sont déposés et alignés les produits à vendre. Pour le reste, il en va de la créativité du commerçant pour mettre en valeur sa marchandise. Et cette créativité se décline de plusieurs façons.

La banque alimentaire, tout comme le marché public, est confrontée à une seule et même contrainte : rendre accessibles le plus facilement possible les produits offerts gratuitement — signaler, localiser, confirmer. Cependant, il y a une différence, et cette différence est majeure : alors que le commerçant du marché public joue d’ingéniosité dans la mise en valeur de ses produits pour attirer le consommateur, la banque alimentaire n’a pas à se préoccuper de cette portion de la transaction commerciale : les produits sont disposés pêle-mêle sur des tables alignées les unes à la suite des autres — signaler autrement. Il s’agit de mettre en place un circuit de denrées et de produits, un peu comme à la cafétéria, où le bénéficiaire se sert à la carte à travers une offre souvent fort limitée de produits.